Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
forêt
Maudits Français… Heinrich Himmler a peu d’estime pour ce peuple « bâtard », qui bafoue les lois du sang et envoie à la guerre des soldats noirs. Pour lui, il n’est évidemment pas question de fondre la France dans le futur « Empire de la race ». En revanche, il souhaite purifier la population d’Alsace et de Lorraine, annexées au Gaue (régions administratives) du Westmark et de Bade. L’idée est de la débarrasser de tous ses éléments « inférieurs », en les déportant vers la zone libre française, dans la moitié sud du pays. Dans le même temps, on ne saurait délaisser les populations racialement valables. À partir de 1942, le Reichsführer-SS s’intéresse plus particulièrement aux enfants de souche germanique : il convient ainsi de les éloigner de leurs origines, en les plaçant dans des internats allemands… Le retrait de 1 000 enfants par an, pense-t-il, peut enrichir l’Allemagne de « bon sang », tout en affaiblissant biologiquement la France. Adolf Hitler fait alors ce commentaire : « Si sa classe dirigeante était amputée de sa progéniture germanique, ce serait un coup dur pour la France. » Au regard de la mégalomanie criminelle du Führer et du maître de la SS, l’entreprise semble très mesurée. Si ce n’est que, comme le Reich, cette ponction est susceptible de durer mille ans… Finalement, elle ne sera jamais mise en application. Mais d’autres enfants suscitent maintenant l’attention : un recensement approximatif montre qu’au moins 50 000 bébés sont nés en France d’un père allemand durant les deux premières années d’occupation. Que faut-il en faire ? Les emmener en Allemagne ? En mai 1942, Reinhard Heydrich, le chef de l’Office central de sécurité du Reich – qui va bientôt mourir des suites de l’attentat de Prague – donne son accord, « à la condition que les mères soient racialement parfaites ». Le 29 du même mois, Leonardo Conti, secrétaire d’État à la Santé du Reich et Gruppenführer (général de division) SS, écrit à Himmler pour lui dire que « ces enfants ne sont pas mauvais, dans la plupart des cas pas plus mal que ceux qui ont été procréés en Norvège ». Aussi suggère-t-il que « le Lebensborn s’en occupe énergiquement »… Faute de quoi, souligne Conti dans son courrier, « ces enfants seront perdus pour l’Allemagne » en raison de l’action menée par l’association de la veuve du général Huntziger 1 … La volonté des SS de court-circuiter l’association pour traiter directement avec le régime de Vichy, afin de récupérer les petits aryens, va cependant tourner court. Car l’État français refuse de livrer ainsi des milliers d’enfants. Avec l’instauration de la loi du 2 septembre 1941 qui autorise l’accouchement sous X, Vichy veut d’ailleurs occulter l’identité des nouveau-nés abandonnés, notamment pour mieux les soustraire à la convoitise de l’occupant. D’autre part, et les Allemands en sont conscients, les mères françaises qui veulent garder leur progéniture n’accepteraient pas le principe d’une sélection raciale. Et la France occupée n’est pas la Pologne : le pays n’a pas vocation à disparaître. La propagande martèle même que la France, une fois la « croisade contre le judéo-bolchévisme » accomplie, prendra toute sa place dans « l’Europe nouvelle ».
Il faut aussi rappeler qu’en ce printemps 1942, les services de la SS et de la Gestapo à Paris ont une question plus urgente à régler : la déportation des juifs de France. Le général Karl Oberg, nouveau commandant en chef de la SS et de la police, et ses adjoints, Helmut Knochen et Kurt Lischka, parviennent à convaincre les autorités françaises de procéder elles-mêmes aux rafles. Pierre Laval, de retour au pouvoir depuis le mois d’avril, n’hésite pas, cette fois, à livrer aussi les enfants, ce qui ne le lui avait même pas été demandé…
De fait, les discussions concrètes autour de l’implantation d’une première maternité SS en France ne reprennent qu’en 1943. Günther Tesch, le responsable du service juridique du Lebensborn vient à Paris pour s’entretenir avec Karl Oberg. À cette date, on estime que 85 000 enfants sont désormais nés d’un père allemand et d’une mère française. Un autre facteur contribue également à l’évolution du regard porté sur cette descendance : les travaux de l’historien
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