Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
françaises et nées à Bar-le-Duc, préfecture de la Meuse, par le tribunal. Leurs prénoms ont été francisés : elles s’appellent maintenant Annick et Séverine. Quelques mois plus tard, madame Pailleron visite l’orphelinat de Commercy. Elle songe à adopter l’un de ses malheureux enfants dont on sait seulement qu’ils ont été ramenés d’Allemagne. La petite Annick, quatre ans, chevelure blonde et yeux bleus, s’accroche à la jupe de Gilberte Pailleron en criant « Maman ! » Ce geste fait donc chavirer le cœur de celle qui deviendra sa mère adoptive. Or, ce même jour, madame Pailleron se laisse aussi convaincre par la directrice du foyer d’adopter une autre fillette : Séverine. Cette directrice, c’est mademoiselle Cordat. Au même moment, dans l’orphelinat, se trouvent Martine, 8 ans et demi, et Édouard Brantet, 7 ans, sœur et frère biologiques d’Annick. Nous savons que mademoiselle Cordat connaît le lien de parenté qui unit ces enfants, puisqu’il lui arrivait parfois de confondre le prénom des deux sœurs Brantet. Pourtant ce jour de 1947, pour favoriser l’adoption d’Annick, mademoiselle Cordat choisit de l’éloigner définitivement de sa fratrie… Dans le même temps, elle lui adjoint une sœur d’adoption : Séverine. Cela s’est passé il y soixante-quatre ans à Commercy. Annick et Séverine ont grandi ensemble dans un village de la Meuse, à une quinzaine de kilomètres de Commercy. Aujourd’hui, dans un couvent, deux sœurs prient pour le salut de l’humanité. L’une était destinée par les SS à créer une race supérieure régnant sur le monde. L’autre était l’enfant d’un couple de « sous-hommes », voués à travailler jusqu’à la mort pour les nouveaux maîtres aryens.
Elles ne savent rien de tout cela.
1 - La religieuse évoque ici la mère adoptive d’Anika, madame Pailleron.
2 - Les mots sont soulignés dans la lettre.
IX
Georges a trouvé l’harmonie
Faire irruption dans la vie d’inconnus est un exercice étrange. Il faut une bonne dose de culot ou bien brandir le pouvoir de sa profession, par exemple, pour oser demander des comptes aux autres. C’est le quotidien du journaliste. Identifier les témoins ou les protagonistes d’une affaire, trouver leur téléphone, leur adresse mail, les appeler. Leur demander, toutes affaires cessantes, de raconter ce qu’ils ont vu, s’ils en sont certains ? Obtenir un rendez-vous, à deux pas de chez soi ou dans un pays lointain, pour interviewer plus ou moins longuement la personne, jauger sa fiabilité, recueillir sa parole, la confronter à d’autres. Se mettre un moment dans la peau des témoins, puis repartir aussi soudainement que l’on est venu, pour raconter de la façon la plus juste « l’histoire », avec ses évidences, son exemplarité, ses zones d’ombre, ses angles morts… Il faut se mettre à la place des témoins, mais pas trop. Vivre l’événement par procuration, puis rentrer chez soi. Merci, au revoir. Adieu, le plus souvent.
Au cours de cette enquête sur les enfants du Lebensborn , le premier contact téléphonique avec mes interlocuteurs était extrêmement délicat. Demander, même avec tact, à un inconnu s’il est bien né dans une « pouponnière nazie », puis le convaincre de s’exprimer sur le sujet, est tout sauf une évidence. Un autre paramètre rendait la démarche plus sensible encore : je ne savais pas si mes interlocuteurs étaient au courant de leurs origines familiales… À quelques reprises, je me suis rendu compte que la personne au bout du fil ne voyait vraiment pas où je voulais en venir. À un an d’intervalle, j’ai ainsi eu deux des conversations les plus étranges de ma vie. Avec le même homme. Il s’appelle Georges. Il a 67 ans et vit dans l’est de la France. Georges D. fait partie, lui aussi, des 17 enfants rapatriés dans la Meuse. Il est le dixième sur la liste.
J’avais mis du temps à trouver sa trace. Jusqu’au jour où une évidence me sauta aux yeux. Parmi ces 17 enfants, tous ne provenaient pas du Lebensborn . En revanche, tous avaient été placés à l’Assistance publique, à Commercy, et certains avaient été adoptés par une famille de la région. Il y avait donc une forte probabilité pour qu’ils soient restés vivre, dans l’Est de la France, à l’âge adulte. C’est là qu’il fallait les rechercher en priorité.
C’est bien là que j’ai identifié trois autres
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