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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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dans le mur, elle
observait la tour voisine, et ce vitrail derrière lequel, elle le savait, devaient
se trouver Louve et Escartille. Depuis que l’Aragonaise était arrivée, on avait
enlevé à Léonie le soin de s’occuper d’Aimery ; et le troubadour n’avait
plus d’yeux que pour sa belle. Léonie s’était avoué depuis longtemps déjà ses
propres sentiments. Ils lui étaient devenus clairs à elle-même ; et ce
soir, elle souffrait au plus profond de son cœur, même si sa sagesse lui
enjoignait de se réjouir du bonheur enfin retrouvé d’Escartille. Après tout, Léonie
n’avait-elle pas toujours pensé qu’Aimery avait besoin d’une mère ? Eh
bien, il l’avait à présent.
    Léonie eut un faible sourire. Elle sentit
passer une brise froide sur ses cheveux.
    Elle serra contre elle son manteau de lin, sous
lequel sa poitrine se levait et s’abaissait régulièrement, au rythme de sa
respiration.
    Derrière elle, l’une de ses sœurs s’approcha ;
elle vint caresser sa joue et lui ôter une larme.
    — Allons, petite sœur, dit-elle. Viens, viens
avec nous. Ne reste pas ici, tu vas attraper la mort.
    Elle enlaça Léonie par les épaules pour la
ramener doucement à l’intérieur.
    Léonie jeta un dernier regard vers le vitrail,
le donjon, puis la cité de Toulouse, endormie.
    Tu vas attraper la mort.
    Les Occitans se préparèrent longtemps à l’inéluctable
combat.
    Cette rencontre décisive eut lieu le 12
septembre 1213.
    À cette date, Aimery avait fait ses premiers
pas.
    Escartille avançait au milieu des soldats,
son drapeau à la main.
    Ils étaient plusieurs milliers, non loin des
rives de la Garonne, rassemblés autour des marmites, des tentes et des chevaux.
Ici, ils se mettaient debout pour revêtir leurs casaques rembourrées ; là,
ils laçaient leur heaume, un genou en terre, échangeant des rires et des
exclamations de mutuel encouragement. Plus loin, les chevaliers garnissaient de
fer leurs chevaux, les couvrant de housses de mailles et d’étoffes armoriées. Ils
brossaient, polissaient, affûtaient leurs lames. Ils s’agitaient autour du
troubadour, entourés d’une innombrable quantité de gens de pied qui les
aidaient à s’apprêter. Partout, on se préparait à la bataille.
    — Que Montfort fasse sa prière ! entendait
Escartille.
    — Nous sommes prêts !
    — Il est temps de leur montrer enfin qui
nous sommes, chevaliers du Midi !
    Lorsque le signal fut donné, on se rassembla. Les
combattants montèrent à cheval pour gagner leurs lignes. Escartille continuait
de déambuler parmi eux, pour rejoindre l’autre extrémité du front et
transmettre à Don Antonio et au chevalier de Scala le message que Raymond VI
venait de lui confier. Les chevaliers se levaient, se regroupaient, se
comptaient ; on hissait les bannières et les pennons de toile. La marée, peu
à peu, s’organisait. On se mettait en rang dans des cris, brandissant déjà les
pieux et les épées, dans des bruits de métal et de sabots. Une pluie fine s’était
mise à tomber. Le ciel était d’un gris uniforme. Escartille trouva Don Antonio
alors qu’il enfilait son casque.
    — Messire, de la part du sire comte de
Toulouse : attendez que le roi votre suzerain ait pris les devants pour
vous jeter à votre tour dans la bataille, par le flanc droit !
    Don Antonio interrompit son geste et leva les
yeux vers le troubadour.
    Il se tut pendant une seconde, puis dit :
    — Retourne auprès du comte, héraut, et
dis-lui que nous ferons ainsi qu’il le demande.
    Les deux hommes échangèrent un regard en
silence. Escartille fit pivoter son cheval et repartit au galop dans l’autre
sens.
    Don Antonio monta à son tour sur son destrier.
Il tourna au trot devant les siens ; Scala fit de même et ils parcoururent
les rangs en s’écriant :
    —  Aux armes, chevaliers ! Pour l’Aragon
et pour notre roi !
    Escartille rejoignit Pierre et le comte de
Toulouse. Les chevaux de leur armée piaffaient. Ils s’ébrouaient, donnaient des
coups de sabots. Les deux souverains avaient revêtu leur haubert de mailles. Leurs
mains gantées tenaient solidement les rênes de leurs montures. Le roi, pourtant,
n’avait pas revêtu ses ornements de majesté. Selon un usage qui avait fait ses
preuves, il avait, la veille, échangé son équipement avec celui de l’un de ses
chevaliers, de façon à tromper les Français. Ceux-ci n’ignoraient pas que s’ils
parvenaient à le tuer, ils porteraient

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