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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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un coup fatal à l’armée ennemie. Oui, Pierre
le savait : dans cette bataille, ce serait lui, le roi catholique
vainqueur, que l’on chercherait à abattre avant tout autre. Ainsi, un second
roi, un roi-leurre de circonstance, se tenait-il un peu plus loin, entouré de
sa garde rapprochée. Pierre lui fit un léger signe de tête ; l’autre
répliqua par un geste de la main contre son heaume.
    — Le temps est venu, dit Raymond en se
tournant vers Pierre.
    Il y eut un silence, puis Raymond reprit :
    — Regardez le lieu où va se jouer le
combat, regardez cette plaine. Elle est bien herbeuse, voyez comme, par
endroits, elle miroite d’eaux vives. Nous ne sommes pas loin du fleuve… Je
persiste à penser que nous aurions dû construire un camp et repousser l’ennemi,
plutôt que de nous jeter sur eux. Je crains ces affrontements en terre découverte,
où il ne peut y avoir d’autre vainqueur que celui qui reste debout après
quelques heures, sans possibilité de se replier… Il faut se méfier de ces
chevaliers et écuyers français ; ils sont plus disciplinés que nous.
    — Il n’est plus temps de nous disputer, comte
Raymond, répondit le roi. Je suis fatigué, croyez-moi, mais je sais que la
bravoure suffit. La chevalerie aragonaise est impétueuse, elle a su vaincre les
Maures. Votre fils et le comte de Foix sont d’ardents chevaliers. Eux à gauche,
Scala et Antonio de Bigorre à droite, nous au milieu, voici une belle carte
offensive. Nous avons notre leurre et je sais combien cette ruse a su nous
rendre service par le passé. Alors ne doutons pas, et que Dieu soit avec nous.
    Ils regardaient les lignes ennemies, qui s’étaient
organisées de la même façon, dans la plaine de Muret.
    Du côté de Montfort, on criait également
aux armes. Français et Bourguignons sortaient en frémissant de leur campement, Poitevins,
Flamands, Lorrains, Gascons venaient du château de Muret pour s’aligner à leur
tour, revêtus de casques, de gonions et justaucorps matelassés, de pourpoints d’étoffe
piquée en plusieurs épaisseurs, de cottes de siglaton ; la croix sur la
poitrine, ils tenaient fermement leurs boucliers, vidaient une gourde, serraient
le poing, l’œil furieux au-dessus du nasal, montés sur les rouans et les
alezans. Une à une, les régions déployaient au vent les bannières de leurs
maisons.
    — Pour le pape et pour la France !
    — Finissons-en avec l’hérésie !
    — Que les cathares fléchissent et meurent !
    Montfort s’était longtemps recueilli avant l’assaut.
    De quel côté sera Dieu aujourd’hui ?
    Il s’était agenouillé devant la croix et le
calice. Aguilah, dans sa robe blanche, était venu le trouver :
    — Pressons-nous, les nôtres n’attendent
que de se jeter dans la bataille !
    — Laissez-moi quelques minutes encore, Aguilah.
Laissez-moi contempler mon Rédempteur.
    Aguilah, lentement, l’avait contourné. Il s’était
saisi du calice, juste au-dessous du crucifix, et l’avait levé devant les yeux
de Montfort. Le comte avait récité le Nunc dimittis, puis avait dit, dans
un souffle :
    — Allons, et s’il le faut, mourons pour
celui qui a daigné mourir pour nous !
    Le colosse noir s’était redressé.
    De quel côté sera Dieu aujourd’hui ?
    Escartille voyait les hérauts et
messagers adverses parcourir les armées, filer d’un bout à l’autre des lignes, leur
reflet glissant par-dessus les flaques d’eau, leurs étendards se croisant et
claquant dans le vent.
    Ils sont prêts, pensa
Escartille. Eux aussi, ils sont prêts !
    Puis, lorsque toutes les lignes furent
constituées de part et d’autre, il y eut un long silence.
    Les deux armées se toisèrent longuement.
    Pierre II, le visage dur, prit une
profonde inspiration.
    — Tenez vos rangs !
    Il fit de nouveau signe au roi-leurre qui, sur
cette injonction silencieuse, tira l’épée.
    Il la brandit au-dessus de sa tête.
    Tous regardèrent cette épée tendue vers le
ciel…
    Il l’abaissa, d’un coup.
    Et les armées fondirent l’une sur l’autre.
    Les Toulousains criaient « Toulouse ! »
et les Gascons « Comminges ! », « Foix ! »
criaient les autres, ou « Montfort ! », ou « Soissons ! ».
Le comte et les meilleurs de ses barons, les chevaliers du pays, le roi et son
leurre, tous chargeaient, battant le flanc de leurs montures. Une armée de
piquiers, de fantassins protégés par des casques de fer ou de cuir bouilli, avançait
avec

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