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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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prêts à bondir sur
elle.
    — Laissez-la ! dit Aude.
    L’avait-elle reconnue ? Pas encore. Il
fallut qu’Héloïse s’approche, jusqu’à se trouver tout près d’elle.
    Elle s’arrêta enfin.
    Aude resta interdite, la main sur sa bible. Elle
pencha la tête sur le côté. Elle cilla, puis ses yeux s’agrandirent. Elle
regarda sa sœur, surgie d’une enfance oubliée, déflorée aujourd’hui, perdue par
la guerre.
    Toi ! Ma sœur, est-ce bien toi ?
    Elles ne dirent pas un mot.
    Héloïse se sentit pénétrée d’une intense
sensation de chaleur. Son cœur se souleva de tendresse. Enfin, Aude sourit et
écarta les bras. Héloïse l’embrassa avec effusion, oubliant les devoirs qu’il
était convenu de rendre à une femme de la condition de son aînée. Elles
pleurèrent ensemble.
    — Toi, murmura Aude, toi, petite sœur, ma
cadette de Lavelanet ! Tu es ici ! Mais que fais-tu, seule dans ce
bois ? Père t’a laissée partir ?… Il a vu le ductor, n’est-ce
pas, le messager que je lui ai envoyé ! Mais… Il ne devait pas dire où je
me trouvais ! Je voulais…
    — Père n’a cessé de penser à toi, il veut
que tu rentres ! Le monde entier te cherche, depuis si longtemps !
    — Je ne peux pas, Héloïse. Je ne peux
plus. Il est trop tard. Mon Dieu, tu dois mourir de froid !
    Elle se tourna vers les gens entassés dans la
clairière.
    — Qu’on lui donne un autre manteau !
    Cela fut fait aussitôt.
    — Dis-moi, ma douce, ma tendre sœur, reprit
Aude, comment es-tu arrivée jusqu’ici ?
    Héloïse baissa les yeux, ses mains se tordant
contre sa robe.
    — Je… J’ai suivi le messager…
    Aude se tourna vers un coin de la clairière ;
elle n’en croyait pas ses oreilles.
    Bâton en main, le ductor se trouvait là,
en effet, dans son manteau noir.
    — Suivi, Jean. Tu as été suivi, mon Dieu !
Et par une enfant !
    Les deux sœurs se regardèrent longuement. Héloïse,
une main contre la bouche, les lèvres tremblantes, hésitait entre les sanglots
et les rires.
    Aimery se tourna vers Escartille :
    — Eh bien, qu’attendons-nous ? Ces
gens-là sont des nôtres.
    Escartille ne répondit pas, plissant les
paupières.
    — Ils se cachent comme nous et tous les
autres, reprit Aimery, pourquoi n’irions-nous pas…
    — Tais-toi, dit Escartille.
    Il se passe quelque chose d’autre. Quelque
chose…
    Tout à coup, Aude entendit craquer une
brindille. La parfaite ne bougea plus, releva les yeux. Les croyants s’agitaient
de nouveau, tendant l’oreille. Certains se levèrent et scrutèrent les
frondaisons. Aude se retourna, à droite, à gauche. Deux guetteurs venaient de
siffler du haut des arbres, imitant les oiseaux. Qui va là ? s’écria
l’un d’eux, se jetant cette fois au pied de l’arbre, l’épée en main. Un homme
avança alors en trébuchant, surgissant à son tour des fourrés. Il s’effondra
quelques mètres plus loin, dans la clairière. Aussitôt, on souleva les bottes
de foin et les amoncellements de linges. Une dizaine d’arbalètes furent
pointées dans sa direction. L’homme s’essuya la bouche, d’où coulait un filet
de sang. Il tenait en main un bâton et portait des traces distinctes de
brûlures aux poignets et aux chevilles. Dans son dos, sa chemise était maculée
de pourpre.
    — C’est un autre guide ! entendit-on.
C’est Forças, Aude !
    Héloïse écarquilla les yeux. On aidait le
guide à se relever. Aude s’avança. Une brise nouvelle s’était levée, agitant
les pans de sa robe noire. La parfaite ne tarda pas à s’apercevoir des
meurtrissures dont le nouveau venu était couvert.
    Une irrépressible angoisse monta en elle.
    — Mais… Tu es blessé ? Ils t’ont…
    Tout à coup, le ductor saisit les mains
de la jeune femme ; il s’agenouilla devant elle en pleurant. Sa voix
déchirante retentit au milieu de l’assemblée.
    — Pardonnez-moi, Bonne Femme !… Ils
ont menacé de faire brûler ma femme et mes deux filles !
    Aude comprit aussitôt.
    Oh non, murmura-t-elle, non. Tout, mais pas cela.
    Une vague de terreur se répandit parmi
les croyants.
    Aimery écarquilla les yeux, tandis qu’Escartille
lui plaquait la tête contre le sol couvert de mousse.
    Non, non, Seigneur, non !
    Il y eut un sifflement d’oiseau, puis un autre,
à l’autre bout de la clairière. Les clandestins se précipitèrent pour saisir
leurs armes tandis que de toutes parts, maintenant, les guetteurs sifflaient
depuis les

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