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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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Pourquoi ?
    — Traîtresse au monde entier, vous
voudriez que nous vous écoutions davantage !
    Derrière les rideaux se trouvaient deux
hommes, dans l’ombre, auprès d’une bassine.
    Le premier venait de sortir de la bassine un
rouleau de parchemin humide, dont l’encre avait coulé. L’autre achevait d’humecter
un second rouleau de quelques gouttes d’huile.
    — Es-tu prêt ? chuchota l’un.
    — Oui, répondit son acolyte.
    — Je recommande donc votre âme à
Dieu, ce Dieu que vous avez renié ! s’écriait Étienne à l’intérieur de la
salle, admonestant la foule. Et c’est à lui, une fois encore, que je remets
votre destinée, Aude de Lavelanet !
    Un autre signe,
    C’est à nous.
    Les deux hommes écartèrent les rideaux et s’avancèrent
avec les parchemins. Étienne s’en empara. Il les brandit, jouant du bras à
droite et à gauche, si bien qu’il était impossible de s’apercevoir des larmes d’eau
qui avaient coulé sur l’un, et d’huile sur l’autre. La foule se tendit en avant,
tandis qu’Étienne passait rapidement devant les assesseurs. Puis il les montra
à Guillaume Arnaud, qui, clignant des yeux, opina du chef.
    — Oui, je m’en remets à l’ordalie, au
jugement de Dieu ! J’ai ici, dans ma main droite, un texte des Écritures ;
et dans ma main gauche, le recueil de votre profession de foi, profession de l’hérésie
cathare, de vos principes absurdes !
    Un rire fusa parmi la foule. Étienne foudroya
l’assemblée du regard et monta d’un ton. À cet instant, il jouait son va-tout.
    — Guillaume Arnaud, pouvez-vous confirmer
à l’assemblée que je détiens bien ici les versets de saint Jean qui attestent
de la résurrection du Christ en sa splendeur, et ici, un libelle hérétique, où
l’on clame qu’il existe des vies après la mort, sur cette même terre, que ce
monde est l’œuvre de Satan, qu’il n’existe qu’un seul sacrement, et autres
sortes de mensonges ?
    Guillaume Arnaud, qui n’y voyait goutte, se
pencha sur les parchemins. Tassé sur son fauteuil, il fit mine de parcourir des
yeux ces documents, qui lui furent aussitôt soustraits ; puis il prit un
air inspiré et déclara doctement :
    — Je l’atteste au nom du pape et de la
Très Sainte Église.
    Alors d’un geste ample, Étienne demanda à ce
qu’on lui amène une bougie.
    — Comment… comment pouvez-vous, sanglota
Aude.
    — Ici, la proposition de notre Église, ici,
celle des hérétiques !
    L’ordalie. Le jugement de Dieu.
    Il passa la bougie sur le premier parchemin. Léché
par les flammes, il roussit sans pour autant s’embraser, durant les quelques
secondes où il fut ainsi porté à la chaleur. Puis Étienne porta la bougie sous
l’autre parchemin. Il cria avec la foule en lâchant le rouleau, qui venait de
prendre feu, instantanément.
    — DIEU PARLE, dit Étienne, il parle comme
autrefois par le Buisson ! Et il vous condamne, Aude de Lavelanet !
    La jeune femme regarda le parchemin se
consumer.
    Les flammes se reflétaient dans ses yeux.
    Étienne s’approcha d’elle et lui murmura :
    — Par votre péché, vous désiriez la mort.
Nous allons vous la donner. Et nous verrons, sorcière, si vous nous revenez en
papillon dans une vie prochaine.
    — Que faites-vous ? lui
répondit-elle en pleurant. Mais que faites-vous ?
    —  L’Histoire, dit Étienne. Je fais
l’Histoire.
    Aude ne tarda pas à être conduite sur le
bûcher.
    Il était dressé sur la place voisine, à
quelques centaines de mètres du réfectoire, en plein cœur de Toulouse. Les
autorités consulaires, les représentants de la dynastie comtale et les
seigneurs de la noblesse cathare étaient cruellement absents. Le pouvoir réel
avait changé de mains. La foule la suivit, et parmi elle, Héloïse, Escartille
et Aimery, impuissants. Il se trouva qu’à cet instant, l’évêque Aguilah et le
sénéchal royal de Carcassonne venaient d’entrer en ville ; ils
rejoignaient Guillaume Arnaud et Étienne de Saint-Thibéry sur la place, juchés
chacun sur un cheval. Aguilah, murmura Escartille. Lui non plus n’avait
pas cessé de sillonner inlassablement l’Occitanie.
    De jeune évêque porté par le sang de ses
victimes, il était devenu la terreur du pays ; il avait près de soixante
ans, mais était toujours aussi maigre, avec ce fameux visage émacié, semé de
rides, les cheveux rasés sous sa tiare blanc et or, agrippé à ce sceptre qu’il
lustrait chaque jour en

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