Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
Vom Netzwerk:
brasier, au
milieu de la place, tandis que, peu à peu, la foule refluait, et que la fumée
montait encore en volutes noires vers le ciel.
    Aguilah de Quillan, aube blanche, étole
mauve, sainte tiare liserée d’or, gants de velours, avançait vers la crypte. Son
sceptre à tête d’aigle se balançait légèrement, au rythme de ses pas. D’un
signe du menton, il intima l’ordre d’en ouvrir les grilles. Celles-ci
poussèrent un long grincement, puis Aguilah s’enfonça dans l’obscurité. Il
descendit lentement les escaliers concentriques qui menaient vers les
profondeurs. Au bout de quelques instants, il se retrouva à l’intérieur de la
crypte. Il ralentit pour écouter les gémissements de souffrance de son prisonnier.
Jean de Montréal, amant d’une nuit d’Aude de Lavelanet, était attaché à un mur
suintant d’humidité. On avait glissé les chaînes qui immobilisaient ses bras
dans les anneaux de la paroi ; ses pieds étaient enchaînés de la même
façon. Ils semblaient patiner sur de la paillasse ensanglantée. Devant lui, son
bourreau, un croc de fer à la main, excitait des braises qui rougeoyaient sous
l’effet d’un feu de circonstance. Lorsque le prisonnier vit arriver Aguilah, il
redressa le visage. Il avait le front crasseux, l’œil et les lèvres tuméfiés. Un
filet de sang tombait de sa bouche. Son torse était marqué de cicatrices et de
brûlures profondes. La crypte n’était éclairée que de quatre flambeaux ; l’ombre
du prisonnier s’allongeait devant l’évêque. Sans doute avait-il uriné sous lui,
de peur et de douleur. Il avait dû s’évanouir à plusieurs reprises. Il émanait
de lui une odeur de bestialité écœurante. Jean regarda l’évêque longuement, soufflant
comme un animal blessé, tandis que le bourreau s’écartait. Aguilah, les yeux
plissés, droit comme un chêne, le considéra sans rien dire. Puis il fit signe à
un jeune garçon qui venait de le rejoindre. Celui-ci lui glissa entre les bras
un livre enluminé, relié de cuir, deux cents feuilles de parchemin, sur
lesquelles l’évêque laissa courir sa main gantée. Aguilah se passa la langue
sur les lèvres et dit, sans regarder sa victime :
    — Savez-vous pourquoi je tenais tant à
vous retrouver ?…
    Le prisonnier ne répondait pas. Aguilah reprit :
    — Il y a deux ans, lorsque vous étiez
encore à Bugarach, avec votre épouse Alazaïs, vous avez accusé l’un des membres
de notre Église d’avoir tenté d’abuser de votre nièce… Frère Guillaume, que
vous incriminiez de ces faits obscènes, a nié toutes vos accusations. Vous
aviez cherché à le tuer, pauvre et stupide guide de forêt. Savez-vous qu’il
nous a fallu amputer Frère Guillaume des deux mains, à la suite de votre rixe ?
Savez-vous que cet homme de bien ne pourra plus prier, ni rendre ses devoirs à
aucun des offices, de matines à complies, comme autrefois ?… L’ignoble
souffrance que vous lui avez infligée a failli l’emporter. Et il a, naturellement,
continué de nier tout ce que vous lui reprochiez. Vous comprendrez que j’aie
moins de mal à accréditer les dires d’un homme dont je sais la valeur dans la
foi, que ceux d’un hérétique tel que vous. Et il se trouve… que Frère Guillaume
est un de mes lointains cousins, mon ami. C’est là une autre erreur que vous
avez commise. Vous avez fait bouillir mon sang – mais c’est bien la justice de
Dieu qu’il nous faut accomplir ici.
    Le prisonnier ne répondait toujours pas. Il
soufflait, simplement.
    — Une justice au grand jour, dit Aguilah.
Aude de Lavelanet est morte, une petite tête de moins à l’hydre hérétique. L’entendez-vous
venir, cette justice, qui se précipitera bientôt en ce pays de toutes parts ?
Ne l’entendez-vous pas, déjà, comme une tempête en marche ? J’ai sous les
yeux cette parole malsaine que vous ne cessez de répandre autour de vous, avec
votre cohorte de « purs », si convaincus de leur mauvais droit. Nous
allons rétablir l’ordre jusqu’aux rives de l’océan, comme je m’y emploie depuis
trente ans.
    — Vous êtes fou, dit Jean.
    La chose lui apparaissait maintenant dans
toute son évidence.
    — Mon Dieu, vous êtes fou.
    Aguilah ne put s’empêcher de rire. La petite
voix dans sa tête rit avec lui.
    Chatistes ! Chatistes ! Oui, les
temps sont venus !
    —  Mais je
suis las, dit encore l’évêque. Longtemps, nous avons discuté ; longtemps, vous
avez excité notre

Weitere Kostenlose Bücher