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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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blanc.
    — Êtes-vous bien sûrs de votre décision ?
Il n’est pas aisé de monter à Montségur ; d’y vivre, encore moins ; et
le quitter est devenu pratiquement impossible. Il est encore temps pour vous de
fuir, en Espagne, en Italie, que sais-je ! Vous pouvez encore rebrousser
chemin, partir sans vous retourner. Mais il est certain que la communauté a
besoin de vous.
    Escartille s’éclaircit la gorge.
    — La chose est entendue. L’Occitanie est
notre pays, c’est elle qui nous a vus naître !… Il n’est plus temps de l’abandonner.
Nous n’avons de toute façon nulle part où aller.
    — Ma sœur est morte, brûlée vive, dit
Héloïse. Je combattrai jusqu’à mon dernier souffle les hommes que j’ai vus hier.
    — Allons, dit Aimery.
    Aguilah de Quillan, avant de quitter lui
aussi la ville comtale, devait conduire un office en l’église de Saint-Sernin. Lorsque
les cloches sonnèrent neuf heures, il commença la cérémonie, entouré d’une
dizaine d’abbés, ainsi que des inquisiteurs Étienne de Saint-Thibéry et
Guillaume Arnaud.
    Trois heures avant le départ, Héloïse fit une
nouvelle folie. Passant devant les portes de l’église, elle s’y engouffra avec
détermination. Surpris, Escartille et Aimery n’eurent pas le temps de réagir.
    Héloïse alla sans hésiter prendre place parmi
les premiers rangs de l’église. Escartille et son fils, qui s’étaient revêtus
eux aussi de manteaux noirs à capuchon, entrèrent à leur tour en toute hâte, sans
se signer. Escartille se posta auprès du bénitier, contemplant le reflet des
lumières dans l’eau dansante. Aimery, à pas lents, se glissa vers l’avant de la
nef.
    —  Elle est folle , siffla-t-il
entre ses dents. Elle est complètement folle !
    Il parvint à se poster juste derrière la jeune
femme ; elle lui tournait le dos, mais déjà, elle était encadrée à droite
et à gauche par deux autres personnes. De toutes parts, la communauté
catholique, repentants, pèlerins et pénitents entraient dans l’église. Aimery
était tout près d’Héloïse. Son capuchon dissimulait son visage et il savait qu’il
devait l’ôter pour ne pas attirer l’attention ; mais le faire devant
Aguilah pouvait être tout aussi dangereux. Il s’efforçait de rester dans l’alignement
du pilier qui le masquerait à la vue de l’évêque, dont il avait si longuement
croisé le regard lors du bûcher d’Aude. La main crispée sur son bâton, Aimery
pouvait, lui aussi, passer pour l’un de ces bons pèlerins en chemin vers
Saint-Jacques ; les déguisements que leur avait fournis le ductor devaient laisser penser qu’ils n’étaient effectivement que de passage en cette
ville troublée. Mais cela ne tromperait pas l’évêque lui-même. Le jeune homme
portait une coquille autour du cou, un poisson brodé sur l’épaule ; avec
le capuchon, on ne pouvait, en le regardant, préjuger ni de son âge ni de son
sexe, sauf à examiner ses mains avec attention. Encore aurait-il fallu beaucoup
de discernement pour deviner là des mains d’homme, car malgré son habitude des
travaux quotidiens, et son entraînement régulier au maniement des armes, ses
doigts avaient conservé la fraîcheur et la finesse d’un artiste, prompt à jouer
des cordes de sa lyre. Homme ? Femme ? Vieux ou jeune ? Ainsi
grimé, avec son bâton, il aurait pu simuler aussi bien la lépreuse en fuite que
le paladin incognito en quête de rédemption, prêt à jouer tous les rôles,
courbé ou debout, bossu ou hiératique à la manière d’une icône échappée d’une
édifiante statuaire chrétienne. Mais la situation risquait de le trahir à
chaque instant.
    Devant lui, Héloïse assistait au début de la
cérémonie.
    Aimery inspira et ôta son capuchon.
    Héloïse. En cet instant, alors qu’il redoutait
le pire, il jurait, pestait contre elle ; pourtant, quelque chose le
troublait au plus profond de lui-même. Cette jeune femme le touchait plus qu’il
ne voulait l’admettre. Certes, on l’eût été à moins, en de telles circonstances.
Il l’avait suivie dans la forêt de Pamiers, il avait vu ses larmes ruisseler
devant le bûcher de sa sœur, il avait épousé sa détresse. Et le geste fou qu’elle
venait de faire, en entrant dans cette église, dépeignait bien le personnage. Mais
pourquoi s’était-elle précipitée à l’intérieur ? Aimery serra le poing. Aguilah
allait la voir ! S’ils étaient découverts, c’en serait fini

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