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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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Laquelle
choisiriez-vous ? Voilà le genre d’énigmes qu’ils jetaient en dispute.
Cet après-midi-là, par une chaleur accablante, Loba la Louve apparut
dans tout l’éclat de sa beauté. Lorsque Escartille fermait les yeux, il sentait
venir jusqu’à lui un parfum de musc et d’oranger, qui lui évoquait des contrées
lointaines et chaleureuses. Il chanta son poème, qu’il ne manqua pas de dédier
à la jeune femme. Il lui sembla que Louve l’écoutait avec intérêt. Il risqua
alors un regard insistant ; elle le soutint avec candeur. Enhardi, il lui
saisit la main, sous le regard sévère de son père. Louve s’empressa de
détourner les yeux, avant de faire frémir son éventail. Pourtant, à ce moment, le
cœur du troubadour s’illumina de joie ; il sentit poindre une révolution.
    Après cela, il était décidé à faire fructifier
son avantage. Don Antonio n’était pas ici pour le plaisir ; en prélude à
sa rencontre avec le comte de Toulouse, il devait s’éloigner de Puivert pour
prendre des nouvelles des châteaux voisins. Il se rendait en grand équipage à
Quéribus, Peyrepertuse ou Aguilar, sans pouvoir toujours emmener sa fille avec
lui. Escartille guettait toutes les occasions. Chaque matin, il se rendait sur
les tours pour y accueillir le soleil. Il le saluait avec respect, comme une
chance nouvelle d’atteindre son but. Il lui semblait que Loba se levait
avec lui et il imaginait le moment où elle lui apparaîtrait enfin. Dès que
pointait l’aube, la tête pleine de rêveries, il assistait au spectacle de la
nature sortant de son sommeil, aussi ému que s’il s’était agi du premier jour
de la création. Le sourire aux lèvres, il ôtait son chapeau et s’inclinait sous
le ciel. La moindre sensation qu’il éprouvait semblait se rattacher à elle – Loba la Louve ! La rosée sur les fleurs du jardin, les reflets du lac, lisse
miroir en contrebas du château, la fraîcheur matinale de la pierre : tout
cela n’avait de grandeur et de signification que parce qu’elle faisait partie
de cet univers.
    Le monde entier était un écrin.
    Il la suivait partout, sans tenir compte des
regards. Dans la chapelle, il se jetait à genoux à ses côtés pour adresser à
Dieu des prières ardentes ; se promenait-elle dans les jardins qu’il lui
emboîtait le pas avec assiduité. Quatre servantes, dont il avait peine à se
débarrasser, circulaient avec eux entre les parterres. Il grommelait en essayant
de les semer. De temps à autre, Louve cherchait l’ombre des remparts pour se
rafraîchir. Escartille lui faisait un tour pour la divertir, lui chantait un
lai du haut d’un escalier. Ou bien elle s’aventurait près du lac et, tandis qu’elle
marchait sur les rives, s’arrêtant ici et là pour contempler la vallée, il lui
faisait le récit de ces légendes que lui avaient rapportées d’autres voyageurs.
Il lui suffisait de lui arracher un sourire pour être comblé ; il y voyait
un nouvel encouragement. Peu à peu, elle se laissa gagner par sa conversation
et par sa voix, elle s’accoutuma à sa présence. Elle ne pouvait plus ignorer
son désir.
    Et un soir, il advint ce qui devait advenir.
    Il est temps, pensa Escartille.
    Puivert et ses tours couleur sable, Puivert et
son donjon majestueux, dressé dans le couchant, semblait tout entier tourné
vers cet événement.
    C’était un soir particulier à Puivert. Un
cathare venait de se présenter au château, accompagné de son socius, son
fidèle adjoint. Lorsqu’ils allaient par les routes d’Occitanie, les disciples
de l’Église cathare se déplaçaient par deux. Tandis qu’au village, la fête
continuait de battre son plein, là-haut, derrière les murailles de Puivert, à
la nuit tombée, on fit silence. La rumeur lointaine des danses et des chants
parvenait aux membres de la cour. Debout ou assis auprès de la table, accroupis
parfois, les coudes sur les genoux, ils s’étaient rassemblés autour du sire de
Congost et d’Arpaïx, à la lueur des flambeaux, en arc de cercle devant le
ministre de la contre-Église. On distinguait à peine leurs visages. Le
prédicateur, grand et mince, avait une cinquantaine d’années. Bientôt, il
sembla que l’assistance buvait chacune de ses paroles. Escartille se sentit
troublé par cette voix qui résonnait sous les voûtes. C’était la présence de
Louve qui ne laissait pas de l’émouvoir ; ou peut-être le contraste entre
le ton austère du cathare et les

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