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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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crois que je vais
Vous rejoindre… faites que je n’aie point trop fauté à Votre goût, Vous savez, je
n’ai jamais su parler que le langage du cœur et de l’amour, Mon Dieu, je Vous
en supplie…
    Il ouvrit les yeux.
    On l’ajustait.
    Escartille eut alors une inspiration. Il avisa
un cheval qui s’abreuvait à quelques mètres de lui. Il se jeta en avant, passa
miraculeusement au milieu d’un essaim de flèches. D’un bond, il fut en croupe
et donna furieusement du talon en s’aplatissant contre l’encolure de l’animal, qui
partit au galop.
    Escartille traversa la forêt des archers ;
La Cornette et le prévôt hurlaient.
    Le troubadour osait à peine ouvrir les yeux.
    Le château ! Le château pour seul refuge !
    Mon Dieu, c’est un miracle, Vous m’avez
entendu ! Sachez qu’après cela, jamais je ne Vous manquerai de respect, croyez-le,
je suis Votre débiteur à tout jamais !
    Comprenant qu’il était bel et bien vivant, Escartille
saisit son chapeau à plume d’oie qu’il fit tournoyer au-dessus de sa tête, et
partit d’un grand éclat de rire.
    Il en était ainsi, à Puivert. Escartille,
familier de toutes les séductions, assuré de la protection du seigneur Bernard
du Congost, entretenait ce galant florilège, plein de promesses et de légèreté.
Une Aurore n’était pas tout à fait oubliée qu’elle laissait place à une autre. On
ne comptait plus les maris éconduits. Et Escartille continua jusqu’au jour où
il fit une rencontre qui devait bouleverser son destin.
    Ce fut une jeune Espagnole qui, parmi
toutes les belles qui s’aventuraient au château, envoûta Escartille. Elle s’appelait Loba , la Louve, c’était une noble dame que son père, seigneur aragonais, menait
par le comté de Foix et de Toulouse. Une peau moirée, privilège des femmes du
Sud ; une chevelure brune et bouclée qu’elle coiffait avec un soin extrême ;
un fard discret, qui accentuait la délicatesse de ses traits ; des seins
comme ces fruits de l’Alhambra de Grenade. Et son regard… Oh, ce regard ! Escartille
y voyait les étoiles et la noirceur de la nuit ; elle le dissimulait
derrière un éventail sévillan, dont l’indolence faisait chavirer le jeune
troubadour. C’était un bonheur que de la voir marcher, farouchement corsetée
sous des manteaux de lin, de vair ou de zibeline. Elle n’avait pas dix-sept ans.
    Sitôt qu’il la vit, Escartille se jeta d’un
bout à l’autre du château pour s’enquérir de tout ce qu’il pouvait apprendre d’elle.
Il n’était pas un seul de ces intendants, de ces ménestrels et de ces seigneurs
qui, accoutumés à ses élans, ne tombât dans ses filets. Eux qui n’étaient pas
en reste, et qui lui faisaient d’habitude toutes les confidences propices à sa
réussite, ne lui donnèrent cette fois qu’une seule et même réponse. Il lui
était interdit d’approcher la belle Espagnole. La dénommée Louve était une
favorite de Pierre II – le roi d’Aragon, lui-même ! Il lui avait
fallu beaucoup d’astuce pour déjouer les avances de ce roi, sans jeter l’opprobre
sur la maison de son père. En ces temps où l’on avait coutume de céder les
femmes comme des villes, il fallait parfois moins que cela pour tomber en
disgrâce. Mais Loba était d’une eau trop limpide pour mériter le courroux
de Pierre II. Son père, Don Antonio de Bigorre, conseiller de Sa Majesté, était
venu en ambassade diplomatique auprès de Raymond VI, comte de Toulouse, pour
s’enquérir de l’affaire des hérétiques cathares et de la menace que Rome
commençait de faire peser sur eux. Don Antonio avait emmené sa fille pour lui
faire voir du pays et l’écarter quelque temps de cette cour d’Aragon où, disait-on,
la reine commençait à se lasser des amitiés de son époux pour d’autres
enjôleuses. Fous ! Qu’ils étaient fous de penser dissuader Escartille par
de telles paroles ! Loin d’avoir entamé sa résolution, ils ne réussirent
qu’à l’enflammer davantage. La belle était tombée d’une cour dans une autre, d’ amor celle-ci ; et il allait laisser l’oiseau s’envoler ?
    Bernard du Congost et sa femme Arpaïx
organisaient souvent de longs repas auxquels étaient conviées les dames du
château. Les troubadours inventaient chaque jour de nouvelles énigmes, qui ne
lassaient jamais l’auditoire : Vous voici partagé entre deux femmes, l’une
belle autant que sotte, l’autre laide, mais riche et sensée.

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