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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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noua et dénoua ses cheveux. Elle était toute prête
à relever ses jupons pour assouvir les désirs de ce jeune homme, et les siens
du même coup.
    Escartille la renvoya.
    Sur les instances de Don Antonio, le
seigneur de Puivert avait envisagé de bannir le troubadour. Après tout, il y
avait d’autres cours d’amour en Occitanie, et Bernard du Congost redoutait fort
que cette incartade, en apparence anodine, n’ait de fâcheuses conséquences sur
les relations de Puivert et du comte de Toulouse avec la maison d’Aragon. Mais
à présent, c’était Escartille qui réclamait l’exil. Le châtiment sombrait ainsi
de lui-même. La population du château était divisée : les uns, trouvant
que tout cela était devenu du plus grand ridicule, exhortaient leur suzerain à
prononcer enfin cet exil qu’il ne cessait de différer ; les autres
souhaitaient que Bernard du Congost absolve Escartille une fois de plus. Le
seigneur de Puivert, partagé entre ces influences contradictoires, s’apprêtait
à prendre une décision définitive. Il n’en eut pas besoin, car un soir, les
cris cessèrent. Escartille n’éleva plus la voix d’aucune manière. Vaincu, il s’en
remit au cours des choses, et à son propre épuisement. En désespoir de cause, on
lui permit d’aller et venir à sa guise. Il resta encore longtemps dans sa
chambre, sans rien faire, considérant d’un œil absent ces portes qu’on lui
ouvrait.
    Partir… Mais partir où ? Comment
saurais-je où la chercher ? Alors…
    Renoncer ? C’est donc là ma seule
issue ? Pour elle, et pour moi – renoncer ?…
    Louve était passée. Il l’avait croisée, comme
un rêve sans espoir.
    Il sortit.
    On lui interdisait encore de quitter le
château, tant qu’il n’aurait pas fait le serment d’oublier son amour passager.
    Pâle, le visage fermé, il arpentait les
couloirs comme un fantôme. Il semblait indifférent à tout. On le trouvait dans
les jardins, dans le verger, à l’ombre des murailles. Il glissait en silence
devant l’âtre, tandis que l’on préparait les festins du jour. On le provoquait
de temps en temps, on l’incitait à se joindre aux agapes, on le plaisantait, sans
parvenir à lui arracher le moindre sourire. Il errait sans but à toute heure du
jour et de la nuit. Au coucher du soleil, il regagnait sa chambre, d’où il
entendait encore monter les rires et les danses. Il lorgnait pensivement sur
son rebec, caressait son archet, grattait les cordes de l’instrument. Il ne
savait plus que faire ni que croire. Il se laissait aller, plongeant chaque
jour un peu plus dans son mutisme. On s’habitua finalement à cette
demi-présence. Bernard du Congost n’y prêtait plus guère d’attention. Il
autorisait Escartille à circuler dans le château, se disant que le troubadour
était jeune encore, et que sa virilité finirait bien par le ramener dans le
droit chemin. Escartille était l’objet de conversations intrigantes. Il
devenait une curiosité, en quelque sorte.
    Le temps ! Le
temps n’a plus d’importance.
    Trois saisons s’écoulèrent ainsi.
    Une pluie battante tombait dans les
jardins.
    Il faisait nuit noire.
    Escartille se trouvait près des remparts.
Il essayait de distinguer les contours du lac dans la vallée, et la silhouette
des collines, des montagnes aux flancs déchiquetés. Il grelottait. Les gouttes
de pluie ruisselaient de son chapeau, se glissaient dans son cou, sur sa gorge,
le long de son corps. Ses mains tremblaient.
    Je vous retrouverai ! Je vous en fais
le serment, Louve d’Aragon !
    L’orage grondait. Escartille leva les yeux, contemplant
ces brèves illuminations, le firmament déchiré de tonnerre, qui s’embrasait
avant de retourner à ses sourdes ruminations. Soudain, il entendit les sabots d’un
cheval, puis un hennissement. Quelques instants plus tard, détournant la tête, il
vit une torche danser devant ses yeux, qui risquait de s’éteindre à chaque
seconde.
    Deux personnes s’approchaient. L’une d’elles
était un homme, au visage sombre. Escartille retint un cri lorsqu’il aperçut
ces traits durs, striés d’une balafre, qui donnaient au nouvel arrivant l’air d’un
bandit de grand chemin. L’homme avait des cheveux hirsutes et portait un
manteau encapuchonné. Il laissa passer la personne qui était venue avec lui. C’était
une femme, encapuchonnée elle aussi, qui semblait porter quelque chose dans ses
bras. Un panier peut-être, dissimulé sous un linge. Elle

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