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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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du chef en silence.
    Au commencement… au
commencement n’était pas le verbe.
    Au commencement étaient deux Principes.
    À la source de tout, disait le cathare, il
n’existait pas un Dieu unique et omnipotent, mais ces Deux Principes, indissolublement
liés : Dieu et le Diable. Ils s’étaient affrontés, à l’origine des temps. Le
Démon avait été vaincu et déchu ; il avait alors décidé de façonner l’homme
et, pour ce simulacre de création, avait eu recours à la miséricorde de son
vainqueur. Celui-ci avait accepté, par mansuétude, de donner un souffle d’esprit
à la terre d’argile conçue par l’Ennemi. Mais la matière, œuvre du démon, était
à jamais souillée de son empreinte, comme d’une tare indéfectible. Et le
prédicateur, une bible en main, racontait sa propre Genèse, sa voix modulée par
la chaleur de ses accents ; une voix qui avait appris à toucher le cœur de
son auditoire.
    — N’est-ce pas vérité que le Mal est
omniprésent sur cette terre ? Je vous le demande : comment un Dieu
bon et tout-puissant aurait-il pu permettre son existence ? Comment ce
Dieu pourrait-il admettre le sang et le supplice dont est affligée sa création ?
Est-ce mentir, que de dire ce que nous voyons chaque jour ? Et que
voyons-nous, sinon le spectacle jamais achevé de la cruauté, du sang, des
larmes de désespoir, versées dans le secret de nos âmes ? Il n’est pas un
seul jour sans que nous éprouvions le fardeau de cette prison misérable dans
laquelle semblent se débattre nos enveloppes maladroites, appelées à vieillir, à
se faner et à mourir. Si le Mal est sur terre, n’est-ce pas la preuve la plus
éclatante que la terre est son œuvre ? Au commencement, au commencement
était Satan. Or, sa terre était vide et vague, ses ténèbres couvraient l’abîme…
    L’esprit, continuait l’hérétique, avait refusé
d’être emprisonné dans la chair. Satan avait usé de tous les artifices pour l’y
conserver, jusqu’à provoquer l’union charnelle d’Adam et Ève, le jetant à tout
jamais dans la prison des corps. Depuis, le démon avait entraîné dans cette
corruption des milliers d’autres âmes. Les fleurs, les oiseaux, les champs de
blé, les pierres, les montagnes et les océans, les animaux, et par-dessus tout,
l’homme lui-même ! tout était frappé du sceau de cette malédiction. Telle
était la façon dont les ministres hérétiques se représentaient la foule des
êtres humains : une nuée d’anges déchus, portant en eux une étincelle de
cet esprit divin.
    — L’esprit hurle en nous, il hurle sans
fin ses souffrances, car il nous dit : non, je ne suis pas de ce monde !
Je suis étranger à cet univers, moi qui n’aspire qu’à la paix et au repos !
    Pierre se souvenait de ces paroles. Il avait
fait interrompre le prédicateur en dispersant la foule qui l’écoutait. Partout
en Occitanie, ces discours propageaient d’incalculables conséquences. La
plupart des cathares pensaient qu’après la mort, l’âme de chaque être humain
renaissait dans d’autres vies, et que si la conduite des mortels avait été
juste, ils seraient réincarnés dans des corps meilleurs, plus aptes à favoriser
leur progrès spirituel. Le criminel, lui, reviendrait dans une chair à l’image
de ses forfaits antérieurs. Rien, en dehors de l’intervention divine au jour du
Jugement, ne pourrait interrompre ce cycle perpétuel de naissances et de
renaissances. Dans ce vaste échafaudage, le sort réservé au Christ changeait du
tout au tout. Certes, il était venu, comme le plus parfait des anges ; pourtant,
il n’avait jamais eu que l’apparence d’un corps, puisqu’il était impossible qu’il
eût le moindre contact avec cette matière corrompue qu’était l’homme. Il ne s’incarnait
pas : il s’adombrait en la Vierge Marie. Il n’était plus qu’un être
immatériel, une vision, un fantôme ! La Vierge n’avait donc jamais été la
mère de Jésus ; elle n’était, tout au plus, qu’un symbole. Implacablement,
la pensée cathare rongeait les certitudes. La Crucifixion était une vaste
supercherie. Jésus n’ayant pas de corps charnel, il n’avait pu ni mourir, ni
ressusciter, ni être touché par aucun des supplices qu’on lui avait infligés, sinon
en apparence – des apparences auxquelles les hommes, aveuglés en tout, s’étaient
arrêtés. Après avoir porté à ses disciples la Bonne Parole, le Christ était
remonté au ciel,

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