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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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laissant à ce monde l’Esprit Saint, le Consolateur des âmes.
    Et c’était ici que se nouait l’insupportable, l’intolérable
argument cathare contre l’Église de Rome. Satan avait abusé l’homme et le monde,
en substituant à l’Église véritable, dont les hérétiques avaient l’insolence de
se dire les disciples, une fausse religion, un absolu mensonge, une trahison
supplémentaire. Cette trahison, c’était l’Église romaine elle-même, qui
devenait à leurs yeux celle de l’Antéchrist, la prostituée de Babylone ! Ses
ministres étaient des disciples du Mal : en la servant avec aveuglement, le
pape, les évêques, le moindre abbé de paroisse pouvait être assimilé à l’un des
suppôts de Satan. Il était inutile d’adorer la croix, instrument de supplice
imaginaire ; inutile de croire à la vertu des icônes, des saints et des
reliques ; il n’y avait d’autre enfer ni d’autre purgatoire que la
réincarnation en des corps successifs. Tous les sacrements prêchés en Occident
sombraient dans cette soudaine et radicale inversion des valeurs. Le baptême ?
Une manière pratique de noyer les esprits. Le mariage ? Un moyen de
perpétuer la corruption d’une matière impure. L’eucharistie ? Un
cérémonial diabolique par nature. Seul valait, aux yeux des cathares, le consolament , sacrement unique de l’imposition des mains, administré par
leurs ministres, les parfaits et parfaites, comme on les appelait ; ce
geste transmettait l’Esprit à la foule des simples croyants et les encourageait
dans leur progrès spirituel. Et puisque ce monde était l’œuvre du Mal, l’ordre
qui s’y était instauré, sous l’impulsion de la Bête, était illégitime et ne
méritait pas le respect : les cathares s’élevaient, d’un coup, contre tous
les pouvoirs.
    — Je m’adresse à vous, rois, seigneurs, empereurs,
qui vous croyez les maîtres du monde, qui prétendez au pouvoir ! Et je
vous dis que vos guerres, vos homicides, vos serments sont des insultes contre
l’esprit ! Tuez un homme, vous les tuez tous ! Tuez un animal, et c’est
encore une étincelle de l’esprit que vous assassinez ! Il n’existe pas d’autre
justice que celle de Dieu, qui n’est pas de cette terre : ces jugements
que vous rendez, au nom du roi ou du pape, n’ont aucune valeur ! Ils ne
sont que le reflet de votre propre avilissement, et de cette sujétion odieuse
que vous cultivez comme la fleur vénéneuse de votre domination ! Vous qui
prétendez au pouvoir, soyez humbles, car vous mentez !
    Ils se prétendaient les nouveaux apôtres
du Christ, et leur révolte embrasait le cœur des faibles. Pierre les avait vus
se glisser partout ! Parfaits et parfaites en sandales, Bons Hommes et
Bonnes Femmes issus du peuple, qui ouvraient des maisons pour les indigents, allaient
de prédication en prédication dans la discrétion des logis occitans. Ils
apportaient à leurs fidèles leur Christ adombré et la parole de l’Évangile, qu’ils
traduisaient en langue vulgaire pour le rendre accessible à tous ; ils se
répandaient en génuflexions dans les rues, mêlaient le Pater à la doxologie
grecque ; ils sévissaient partout où l’Église romaine restait empêtrée
dans ses dérives et ses contradictions. Et ils s’étaient organisés, tantôt
secrètement, tantôt à visage découvert. Ils avaient leur noviciat, leurs
périodes initiatiques, par lesquelles les simples croyants pouvaient accéder, à
force de jeûnes, d’abstinence et de pureté de mœurs, au rang de parfaits ;
leur ascèse et l’autorité morale que leur conférait une vie exemplaire ne
pouvaient offrir aucune prise aux accusations d’hypocrisie ; bien au
contraire, on admirait ces hommes qui, selon leurs propres dires, n’étaient pas
dans le monde, refusaient toute nourriture carnée et appelaient à la paix
partout où ils se trouvaient. Maigres et pâles, sourds à toute forme de
violence et de haine, ils parlaient avec mesure, le sourire aux lèvres ; ils
ne dédaignaient pas de se mêler à la vie du peuple dans ses travaux quotidiens,
lainage, tissage, vendanges ou récolte des blés. Dans chaque province où ils se
trouvaient, ils avaient désigné un évêque, qui ordonnait pour lui succéder un
fils majeur, lui-même assisté d’un fils mineur élu par l’assemblée des parfaits
de la région. Les femmes avaient rejoint sans mal cette dévotion nouvelle, qui
leur reconnaissait enfin le droit d’être les

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