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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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et ce sont vos conseils que j'attends.
    Vachon s'inclina à nouveau, posa sa canne et considéra les montagnes de tissus entreposées dans ses rayonnages. Son regard faisait l'aller et retour entre les draps et le client.
    — Homme jeune... Souvent dehors... De l'aisance. Ce drap marron me paraît devoir vous convenir. Je vous le propose en habit gansé, garnitures d'olives pour éviter que le vent ne le fasse voltiger, culotte de même. Ne me parlez plus de manteau, cela est bon pour les provinciaux en voyage et les soldats de cavalerie. Ce n'est plus à la mode. C'est une redingote qu'il vous faut, une belle redingote de drap lainé,doublée et surdoublée. Elle sera bien chaude pour cet hiver glacé. Et je vous ferai — pour vous et pour le même prix — deux rotondes au lieu d'une, tant pis pour M. de Silhouette. Pour l'habit, disons de cérémonie, il me vient une idée. Que diriez-vous de celui-ci ?
    Il sortit, avec précaution, de son enveloppe de papier de soie, un habit de velours vert sombre, discrètement surbrodé d'argent.
    — Celui-ci, magnifique, me reste sur les bras à la suite du départ précipité d'un baron prussien. Il était à peu près de votre taille. Il y aura juste quelques petites retouches à faire, ainsi qu'à débroder cet ordre qui avait été commandé. Voulez-vous le passer ?
    Nicolas le suivit dans un petit réduit meublé d'une psyché. Après s'être dépouillé de ses vêtements, il revêtit, sans y prêter grande attention, l'habit vert. Quand il releva la tête pour se considérer dans le miroir, il eut le sentiment de voir un étranger. La tenue était exactement coupée et taillée pour lui. Elle l'amincissait en soulignant la perfection des proportions. Le nouveau personnage, qui le regardait, avec une réserve étonnée, lui rappela les seigneurs hors de portée qu'enfant il observait à la dérobée dans le salon du marquis de Ranreuil. Il se retourna et fit quelques pas dans la boutique. Vachon, qui houspillait un de ses apprentis, s'arrêta brusquement, chacun retint son souffle devant la noblesse d'une apparition encore renforcée par la décoration qui brillait à l'emplacement du cœur. Nicolas se crut, un instant, transporté dans une autre existence. Le tailleur rompit le charme. Il paraissait gêné.
    — Il vous va trop bien, je veux dire parfaitement. Il ne vous manque que l'épée pour paraître à Versailles. Qu'en pensez-vous ?
    — Je le prends, répondit Nicolas. Faites débroder l'ordre et relâcher légèrement la culotte. Quand pourra-t-il être prêt ?
    — Dès demain. Je vous le ferai livrer chez le commissaire Lardin. Comment se porte-t-il ?
    Nicolas jubilait ; Vachon lui avait, de lui-même, offert l'ouverture recherchée.
    — Il y a longtemps que vous ne l'avez vu ?
    — Juste après l'Épiphanie. Il est venu me commander — ce n'est pourtant pas ma pratique — quatre capes de satin noir, avec leurs masques, et aussi un de ces pourpoints de cuir dont il aime se revêtir depuis des années.
    — Toutes de la même taille, les capes ?
    — Identiques.
    — Vous les avez livrées ?
    — Que non pas ! Le commissaire est venu les chercher dans les derniers jours du mois de janvier. Mais, monsieur, vous m'inquiétez, n'auraient-elles pas donné satisfaction ?
    — Vous saurez toujours assez tôt, monsieur Vachon, que, depuis le 2 février dernier, M. Lardin n'a pas réapparu à son domicile et que la police — votre serviteur — est à sa recherche.
    Nicolas avait cru que la soudaineté de cette annonce inciterait maître Vachon à lâcher quelque remarque. Il n'en fut rien. Le premier moment de stupeur passé, il ne fut plus question que de détails subalternes, de prises de mesures et d'assurances obséquieuses que tout serait déployé pour satisfaire le protégé de M. de Sartine qui précisa sa nouvelle adresse.
    Quand il se retrouva dans la rue Vieille-du-Temple, Nicolas eut l'idée de pousser jusqu'à la rue des Blancs-Manteaux toute proche. Il repéra vite lanouvelle mouche de relève et se fit reconnaître. Mme Lardin était au logis. La rumeur s'étant répandue dans le voisinage que la cuisinière avait été chassée, plusieurs matrones et une jeunesse étaient venues proposer leurs services. La mouche, joli garçon, avait facilement lié conversation avec elles ; elles n'étaient que trop heureuses de commenter aigrement leur déconvenue. Reçues par une Louise rechignée et hautaine, elles s'étaient vu répondre « qu'on n'avait

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