L'énigme des vampires
ce qui motiva son surnom, en fait un titre, Dracula . Il ne faut pas oublier non plus cette
appellation honorifique si fréquente dans la poésie galloise du Moyen Âge,
« chef à la tête de dragon », qui désigne un valeureux guerrier, et
que nous retrouvons dans le nom prêté au soi-disant père du roi Arthur, Uther
Pendragon, « à la tête de dragon ». Ce n’est pas par hasard que cet
ordre guerrier et initiatique se constitua sous le symbole du Dragon. Ce n’est
pas non plus par hasard que Bram Stoker, membre de la Golden Dawn , a
choisi cette référence à Vlad Tepes et le nom même de Dracula pour camper son
sinistre héros. Il aurait pu le nommer Nosferatu ,
appellation également fréquente en Transylvanie pour désigner les vampires, ou
tout autre nom d’ailleurs, puisque l’essentiel était pour lui de décrire les mœurs
et coutumes d’un vampire de noble lignée. Cela signifie en tout cas que le
Dragon est lié, d’une façon ou d’une autre, au thème du vampirisme et à des
traditions sur le sang.
L’image la plus courante du dragon est la représentation de
saint Michel combattant le Dragon des profondeurs, image issue en droite ligne
de l’ Apocalypse . Mais le Dragon combattu par l’Archange
de Lumière a une signification cosmique, et il ne se justifie pas sans la
présence de saint Michel, la lutte entre ces deux entités n’aboutissant jamais
à une victoire de l’un sur l’autre, mais se résumant au maintien d’un équilibre
instable entre deux polarités contraires. C’est en fait la représentation de ce
qui se passe perpétuellement dans le monde matériel, le monde des relativités, la
vie n’étant qu’un fragile équilibre entre deux pulsions contradictoires et ne s’expliquant
que par cette confrontation permanente [113] . Mais, comme tous les
autres symboles, le Dragon peut supposer de multiples significations.
Le Dragon occupe une place très importante dans les mythologies
anciennes, dans les traditions populaires, la littérature hagiographique et
dans les nombreux « Bestiaires » de l’Antiquité et du Moyen Âge. Mais,
selon les cas, il est vu très différemment. Ainsi, les Bestiaires en font-ils
un animal réel supposé vivre dans les pays lointains ou dans les profondes cavernes
de la terre. Il désigne alors soit un reptile particulier, soit une sous-classe
à l’intérieur de l’ordre des reptiles. Ce qui complique la description confuse
qu’on en fait, c’est qu’on le confond souvent avec le serpent : il prend
alors les noms de basilic, d’hydre ou d’aspic. Mais, dans l’esprit des
rédacteurs de Bestiaires, le dragon n’est au fond qu’un animal guère plus étonnant
qu’un crocodile, un hippopotame ou un éléphant. Et ils citent toujours des
témoins dignes de foi qui en ont vu.
Si l’on quitte ce domaine apparemment zoologique, les descriptions
deviennent terrifiantes : le dragon est une sorte de gros reptile
antédiluvien (on prétend même qu’il s’agit tout simplement d’un dinosaure dont
l’image est restée gravée dans la mémoire ancestrale) aux allures de serpent
monstrueux, mais qui a des ailes de chiroptère et qui crache des flammes par sa
gueule. Comme tel, il peut signifier le feu souterrain, c’est-à-dire les
volcans en activité ou ceux qui sommeillent sous la terre. Mais, curieusement, le
feu et l’eau peuvent être liés et l’on retrouve très souvent le Dragon comme
symbole des fleuves, notamment lorsqu’ils sont en crue : c’est alors le
dragon dévastateur, parfois connu comme la fabuleuse Tarasque, et qui est cause
des inondations catastrophiques du Rhône. Il n’y a pas loin de là au symbole du
Diable, du « destructeur de l’œuvre divine ». Les terreurs populaires
rejoignent des notions bibliques, notamment à propos du Léviathan, ou du
monstre marin primordial de la tradition assyro-babylonienne. Le fait que, dans
certains pays, en Occitanie comme en Roumanie, le Drac soit l’appellation du Diable (ou d’un sorcier noir voué au Diable) met en
valeur cette signification. Et, par extension, bien entendu, surtout dans les
légendes hagiographiques, le Dragon va devenir le symbole du Paganisme, quelle
que soit la nature de celui-ci. Il n’est pas rare qu’un saint fondateur
combatte un dragon, le tuant ou le domptant, avant de s’établir définitivement
dans un pays jusque-là sous le joug des « faux dieux ». Enfin, ultime
développement, le Dragon en vient à incarner
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