L'énigme des vampires
qu’elle ne ressemble pas aux autres. D’habitude,
lorsque les non-morts dorment chez eux, leur visage révèle ce qu’ils sont, mais
celui-ci, qui était si doux avant que Lucy fût une non-morte, retournera au
néant, notre fin à tous. Rien ici ne semble porter la marque du Malin, et c’est
pourquoi ce m’est un si dur devoir de la tuer pendant qu’elle dort. »
John Seward émet certaines objections. Van Helsing, qui
avoue qu’il vaudrait mieux faire cela tout de suite, tant que la non-morte n’a
encore tué personne, convient qu’il faut y mettre les formes et donc requérir
le concours d’Arthur Holmwood. Il a toutes les peines du monde à convaincre le
malheureux fiancé de Lucy de tenter une sinistre expérience. Mais, finalement, Arthur,
accompagné de son fidèle Quincey, suit, la nuit d’après, van Helsing et Seward
dans le caveau des Westenra. Le professeur ouvre le cercueil : il est vide.
Van Helsing se livre alors à un étrange manège. Il place une
sorte de pâte faite avec des hosties consacrées le long des interstices de la
porte du caveau, tous les assistants se trouvant dehors. Il explique :
« Je ferme le tombeau pour que la non-morte ne puisse pas y rentrer. »
Puis, tous les quatre, sur les indications du professeur, se cachent aux alentours.
Au bout d’un long moment, ils aperçoivent « une silhouette blanche, encore
assez indistincte, et qui tenait contre sa poitrine quelque chose de sombre. Soudain,
elle s’arrêta et, au moment même, un rayon de la lune, entre deux nuages, éclaira
cette apparition : c’était une femme vêtue d’un linceul. Nous ne voyions
pas le visage, car elle gardait la tête penchée vers ce qu’elle portait dans
les bras et que nous reconnûmes bientôt pour être un enfant blond… La
silhouette blanche se remit à avancer… J’entendis le cri d’horreur étouffé d’Arthur :
nous venions de reconnaître les traits de Lucy Westenra. Lucy Westenra, mais à
quel point changée ! La douceur que nous lui avions connue était remplacée
par une expression dure et cruelle et, au lieu de la pureté, son visage était
marqué de voluptueux désirs… Ses lèvres étaient écarlates, tout humides de sang
frais dont un filet avait coulé sur son menton et souillé son vêtement immaculé
de morte ».
La scène devient fantastique. La non-morte aperçoit les
quatre hommes et recule « en laissant échapper un grognement furieux, tel
un chat pris à l’improviste. Puis ses yeux se posèrent sur nous l’un après l’autre…
Tandis qu’elle continuait à nous regarder de ses yeux flamboyants et pervers, son
visage rayonna d’un sourire voluptueux. Seigneur ! Que c’était odieux à
voir ! Aussi impitoyable qu’un démon, d’un mouvement brusque, elle jeta à
terre l’enfant ». Alors, elle s’avance vers Arthur, « les bras tendus
et souriant toujours du même sourire lascif ». Arthur est sur le point de
succomber : « Il ouvrit tout grands les bras. Elle allait s’y
réfugier, quand van Helsing, d’un bond, fut entre eux, sa petite croix d’or à
la main. Elle recula aussitôt et, les traits soudain convulsés de rage, elle
passa à côté du professeur en se précipitant vers le tombeau comme si elle
voulait y entrer. » Mais elle ne le peut pas .
La puissance des hosties est telle que la non-morte en est réduite à manifester
sa rancune et son dépit sur son visage bouleversé. Van Helsing demande alors à
Arthur s’il doit poursuivre son œuvre. Arthur, effondré, lui répond :
« Faites comme vous l’entendez… Il n’y aura jamais rien de plus horrible
que ceci. » Le professeur enlève alors les parcelles d’hostie qui murent
le tombeau. « Alors, quand il se retira, nous vîmes, surpris, terrifiés, cette
femme, dont le corps était aussi tangible que le nôtre, passer à travers un
interstice où il eût été difficile d’introduire une lame de couteau. »
Le lendemain, dans l’après-midi, les quatre hommes reviennent
dans le caveau, munis d’un sac contenant divers instruments. Van Helsing ouvre
le cercueil : Lucy s’y trouve, comme elle s’y trouvait au moment de son
enterrement, mais avec, en plus, « les dents pointues, les lèvres
voluptueuses et couvertes de sang ». Van Helsing prépare ses instruments, une
scie, un pieu en bois et un marteau. Avant de commencer l’opération, ou plutôt
l’exorcisme, il tient à préciser les choses : « Cette connaissance
nous est transmise par
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