L'énigme des vampires
équivalent du sang dont s’abreuve le comte Dracula au cou
de la pauvre Lucy, ou encore de Mina Harker. Et si l’on met cette expression en
parallèle avec la devise valaque « donne jusqu’à la mort », on
comprend fort bien pourquoi la Stilla meurt au moment où elle décide de se
séparer de la présence envoûtante du baron de Gortz. Pour survivre, celui-ci n’a
pas d’autre solution que d’intégrer la force vitale de la Stilla. Ce qui lui
permet ensuite, même sous le couvert de techniques scientifiques, de la rendre
présente en face de lui, comme si elle était encore vivante, donc comme une non-morte.
Il faut également prendre très au sérieux la citation que fait
Jules Verne de l’expression : « Rôman on
péré ! » Ce n’est pas seulement le
Roumain qui ne saurait périr, mais essentiellement le vampire . Au reste, Jules Verne a pris grand soin,
au début de son roman, de nous avertir que l’action se déroulait dans un pays
dont les habitants croient fermement aux dragons, aux stryges et aux vampires. Faire
passer un fantastique que l’on explique ensuite rationnellement est une astuce
pour mieux faire comprendre le sens véritable de la fable .
Car il s’agit bel et bien d’une fable , au sens
étymologique du terme, c’est-à-dire « ce qu’on raconte », même si
elle est invraisemblable, selon l’auteur : cela ne signifie pas qu’elle ne
soit pas vraie . D’ailleurs, les fables n’ont
pas à être vraies ou fausses : elles sont ,
et c’est largement suffisant. En l’occurrence, le château des Carpates n’est ni
vrai, ni faux : il est une réalité à l’intérieur de laquelle le romancier
raconte une histoire remontée de la nuit des temps. Et là, Jules Verne accorde
harmonieusement la fiction romanesque, le mythe fondamental et l’histoire même
de la Transylvanie.
C’est dire l’importance de ce roman dans la diffusion du
thème vampirique. On ne peut douter que Bram Stoker s’en soit inspiré, ne
serait-ce que pour le cadre réservé à l’action, ou pour les grandes lignes des
personnages marqués de vampirisme. Mais, en ce domaine, si Jules Verne a innové
en justifiant la fable par une sorte de
raisonnement scientifique bien dans le ton de son époque, il n’a en réalité
rien inventé, se contentant de puiser dans le Mythe et dans l’Histoire. Et c’est
par cette articulation qu’on peut pénétrer de plain-pied dans les événements du
XV e siècle, sur cette âpre terre de
Transylvanie, où les apparences sont trompeuses et où la forêt, sombre et
secrète, est toujours le refuge des entités mystérieuses qui dominent le monde.
III - L’HISTOIRE DE VLAD L’EMPALEUR
Dans son roman, Bram Stoker situe très exactement le château
de Dracula dans le nord de la Transylvanie, entre la ville de Bistrita – qu’il
décrit de façon remarquablement authentique – et le col de Borgo, qui sépare la
Transylvanie de la Moldavie. L’endroit est sinistre à souhait et peut aisément
prêter aux évocations les plus fantastiques. De fait, une tradition locale
place dans cette région le repaire – le nid d’aigle – du voevod Vlad Tepes
Dracula au XV e siècle, et sans doute
faut-il voir dans cette localisation la conséquence des récits terrifiants des
rescapés des guerres et des exactions de celui qu’on a surnommé Vlad l’Empaleur,
lorsqu’ils vinrent se réfugier dans la région. Car le véritable repaire de Vlad
Tepes Dracula se trouve à deux cents kilomètres de là, dans un endroit tout
aussi impressionnant ; et il a même, depuis quelques décennies, été
restauré, constituant une attraction touristique que ne manquent pas d’exploiter
les organisateurs de voyages en Transylvanie.
Il s’agit du château d’Arges, non loin de Poenari, antique
forteresse reconstruite vraisemblablement par Vlad Tepes lorsque celui-ci eut
besoin d’une retraite sûre et inaccessible. Le paysage de montagne est
grandiose, et la vallée de l’Arges est particulièrement profonde, escarpée. Pour
aller du village « d’Arefu au château, le chemin est rude, mais sans
difficulté majeure ; l’ascension dure une heure environ pour un grimpeur
moyen. De là-haut, la vue est vertigineuse. De l’est à l’ouest, en passant par
le sud, elle embrasse des douzaines de villages disséminés sur les contreforts
alpins que traverse l’Arges. Au nord, le regard s’accroche, très haut, aux pics
étincelants de neige des Monts Fagaras. Le
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