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L'énigme des vampires

L'énigme des vampires

Titel: L'énigme des vampires Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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notamment dans le curieux récit
irlandais du Moyen Âge intitulé l’Éducation de
Cûchulainn [74] . Il s’agit du jeune
Cûchulainn, neveu du roi d’Ulster Conchobar, qui, ayant manifesté ses dons de
rude batailleur et de futur héros [75] , est envoyé en Écosse
pour se perfectionner dans l’art guerrier, non pas auprès d’hommes expérimentés,
mais auprès de femmes guerrières d’un étonnant
aspect et qui se révèlent avant tout des « sorcières », pour ne pas
dire de véritables démons femelles. Auprès de ces femmes tout à fait insolites,
Cûchulainn obtiendra une triple initiation : guerrière, bien sûr, mais
également magique et sexuelle.
    Or voici Cûchulainn chez deux de ces femmes, Scatach et
Uatach, la mère et la fille, aux noms révélateurs puisqu’ils signifient
respectivement « celle qui fait peur » et « la très terrible ».
Elles sont toutes deux dépositaires des secrets les plus mystérieux concernant
la magie guerrière. De plus, Uatach, la fille, est amoureuse du beau garçon qu’est
Cûchulainn. Mais celui-ci, tout à son désir d’apprendre les prouesses
guerrières, ne s’intéresse pas beaucoup à elle. Il se livre à des exercices
périlleux et à des combats qui l’épuisent et le laissent tout sanglant. Scatach
invite alors le jeune homme dans sa maison afin qu’il soit soigné et guéri
rapidement. Or, pendant la nuit, Uatach survient dans la chambre de Cûchulainn
avec des intentions bien précises. Cûchulainn la repousse en prétendant que « c’est
violer un interdit, quand on est malade, de coucher avec une femme ». Uatach
s’en va, mais elle revient peu après, complètement nue, et se glisse dans le
lit de Cûchulainn : « Cûchulainn était grandement ennuyé ; il
étendit sa main valide vers la fille et rencontra le doigt de celle-ci, de
sorte qu’en la repoussant, il tira la peau de sa chair et la blessa en la
marquant cruellement. » La fille proteste et se plaint énergiquement, et
elle menace Cûchulainn d’un terrible geis de
mort et de destruction [76] . Elle ne consent à lui
pardonner que s’il accepte qu’elle dorme à côté de lui pendant cette nuit.
    Mais Cûchulainn demeure intraitable. Uatach lui promet alors
qu’il obtiendra de sa mère les « trois tours » qui feront de lui le
guerrier le plus redoutable du monde. Moyennant cette promesse, Cûchulainn
accepte de passer la nuit avec Uatach. Le récit ne précise pas s’il suce le
doigt de la fille, mais cela va de soi : étant responsable de la blessure,
il se devait de la guérir et de sucer le sang qui coulait du doigt. Mais
Cûchulainn ne s’arrête pas là. Le matin, comme Uatach lui a révélé comment il
devra agir avec sa mère, il surprend Scatach à un moment où elle est désarmée, et
il lève son épée sur elle, la menaçant de « mort et destruction ». Scatach,
qui comprend très bien que le jeune homme ira jusqu’au bout, accepte les
conditions de Cûchulainn : « Les trois Tours que tu n’as jamais
appris à personne avant moi, ta fille, et aussi l’amitié de tes cuisses. »
Il est évident que Cûchulainn subit ici une initiation « très terrible »
et « qui fait peur » et que tout cela est mêlé à la fois au sang qui
coule et à la sexualité. Ce sont des éléments incontestablement vampiriques, mais,
en l’occurrence, c’est Cûchulainn qui joue le rôle de vampire auprès des deux
femmes-guerrières, lesquelles, à n’en pas douter, font elles-mêmes figure de
vampires.
    Il existe un texte analogue dans la tradition galloise de la
même époque, dans le récit de Peredur , qui est
une version très archaïque de la légende du Graal et des aventures de Perceval.
On y reconnaît les femmes-guerrières initiatrices de Cûchulainn, mais sous la
simple appellation de « Sorcières de Kaer Lloyw (Gloucester). Peredur, l’équivalent
de Perceval, au cours de sa quête, arrive dans un château où on lui déconseille
de passer la nuit : « Il y a ici, mon âme, neuf des sorcières de Kaer
Lloyw, avec leur père et leur mère, et si nous essayons de leur échapper vers
le jour, elles nous tueront aussitôt. Elles se sont déjà emparées du pays et l’ont
dévasté, à l’exception de cette seule maison [77] . » Voilà des
sorcières guerrières qui ressemblent fort à une troupe de vampires ravageant un
pays et voulant devenir les maîtres du monde. Bien sûr, Peredur va demeurer
dans le château. « Vers le jour,

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