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L'énigme des vampires

L'énigme des vampires

Titel: L'énigme des vampires Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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les deux phases complémentaires d’un même acte sacré
par lequel s’accomplit le transfert d’énergie. L’ hostie ,
au sens étymologique de victime, mais aussi au sens religieux de relation au
divin, en est certes le mâle : il est sacrifié, mais a consenti à son
sacrifice ; à la limite, ce peut être l’image de Jésus donnant sa vie et
son sang à l’humanité à laquelle il fait franchir une étape décisive, une
régénération dont on a tendance à restreindre la portée en limitant celle-ci à
la seule rédemption. Il s’agit, pour le Christ, de faire accéder l’humanité à
un plus haut niveau d’être et de conscience, conception altruiste du sacrifice.
Pour le vampire, en principe, cet altruisme est inconnu : c’est à sa
propre régénération que se consacre Dracula. Les filles du roi de Grèce du
récit anglo-normand, qui copulent avec les Incubes, n’agissent que pour
elles-mêmes. Mais, ce faisant, elles dérangent l’ordre du monde, le mettant
dans un état de régression par rapport à la situation antérieure. Il est vrai que
la femme, du moins dans l’image culturelle que les sociétés patriarcales en ont
tracée, est nécessairement ambiguë, agissant aussi bien pour les autres (instinct
maternel) que pour son propre compte (sexualité pure). Cette ambiguïté
fondamentale est latente dans les grands mythes qui font intervenir une femme
attirante/repoussante, aux attitudes vampiriques, et néanmoins substitut d’une
antique divinité féminine.
    Le personnage traditionnel qui incarne le mieux cette composante
« mante religieuse », du moins dans l’Antiquité, est certainement la
Circé décrite dans l’Odyssée . Elle est dite « fille
du Soleil », ce qui rappelle évidemment les « filles des hommes »
de la Genèse. Mais compte tenu de l’inversion de polarité due à l’apparition
des sociétés patriarcales, cela signifie que, primitivement, elle était
elle-même le Soleil, toujours féminin dans certaines langues, projection
symbolique de la divinité-mère. Mais, comme le soleil qui irradie, qui donne
chaleur et vie, et en même temps brûle et détruit, Circé est une mère qui donne
naissance à de nombreux enfants et qui les dévore. C’est l’exemple type de ce
qu’on appelle, d’ailleurs très justement, la « mère castratrice ». C’est
la Dévoreuse . Son nom ( Kirké en grec) signifie « oiseau de proie »
et se réfère à une racine indo-européenne qui a donné le latin circum , « autour de », dont le sens
primitif est « tournoyante », qualificatif s’appliquant parfaitement
au soleil. Et Circé, déesse et magicienne, habite une île au milieu de la mer :
c’est là qu’en femme-vampire qu’elle est, elle attend les victimes dont elle a
besoin pour régénérer constamment la lumière qu’elle émet par le vaste monde, l’énergie
vitale dont les mortels, comme elle-même, ont un absolu besoin. C’est dire que
la signification du mythe se joue sur un plan cosmique beaucoup plus que sur un
plan psychique, bien que ce plan-là ait été privilégié par les poètes et les conteurs
de toutes les époques. Baudelaire ne dit pas autre chose quand, dans son poème le Voyage , il évoque l’errance des hommes sur les
flots, « astrologues noyés dans les yeux d’une femme, – la Circé
tyrannique aux dangereux parfums ». Et la trop célèbre Carmen de Mérimée, devenue,
par la grâce de Bizet, l’opéra le plus populaire et le plus joué dans le monde
(ce n’est pas sans raison !), n’est-elle pas une des nombreuses incarnations
de la belle, mais perfide, Circé ?
    Lorsque Ulysse et ses compagnons abordent dans l’île de Circé,
ils se répartissent en deux troupes. L’une, conduite par Euryloque, est envoyée
en mission d’observation. « Ils trouvent dans un val, en un lieu découvert,
la maison de Circé aux murs de pierres lisses et, tout autour, changés en lions
et en loups de montagne, les hommes qu’en leur donnant sa drogue, avait ensorcelés
la perfide déesse… Ils entendent Circé chanter à belle voix et tisser au métier
une toile divine, un de ces éclatants et grands et fins ouvrages, dont la grâce
trahit la main d’une déesse. » Pris au piège de la beauté, les compagnons
d’Ulysse boivent la coupe que Circé leur a préparée : « De sa
baguette, alors, la déesse les frappe et va les enfermer sous les tects de ses
porcs. Ils en avaient la tête et la voix et les soies ; ils

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