L'énigme des vampires
vampire, lui aussi ?
Après tout, il usurpe bien le pouvoir détenu légalement par le roi de Bretagne
et se fait le complice de l’authentique femme-vampire qu’est la princesse. En
somme, tous deux forment un beau couple de vampires qui assure leur domination
sur le monde. Et, ce que le conteur n’ajoute pas, c’est qu’ils peuvent avoir
beaucoup de petits vampires…
Depuis près d’un siècle, la fiction romanesque ne s’est pas
fait faute d’exploiter ce thème de la femme-vampire, même si les auteurs
hésitent toujours à prononcer le mot de « vampire » trop connoté avec
l’image de Dracula. Et pourtant, comment ne pas reconnaître une fille de Nosferatu dans le personnage si envoûtant de Fausta,
admirablement évoquée par le romancier populaire Michel Zévaco dans sa série
des Pardaillan ? Au cours de ses
innombrables aventures de justicier marginal (autre aspect de Lancelot du Lac),
le chevalier Pardaillan se heurte constamment à une mystérieuse femme qui
incarne les puissances de l’Ombre, une certaine Fausta, toute-puissante, régissant
un monde interlope et poussant ses pions parmi les plus grands des princes, y
compris les princes de l’Église. Papesse Jeanne de la légende, ou tout
simplement la « Papesse » du Tarot, Fausta est l’image même de la
Vierge des Vierges qui ne peut se donner , mais qui prend , et qui, de ce fait, en vertu de sa disponibilité , acquiert fortune colossale et
pouvoirs secrets. C’est le type même de la femme-vampire qui ne dit pas son nom
mais qui agit dans l’ombre en profitant des troubles sortilèges dont elle
dispose pour rendre les hommes – et les femmes – esclaves de sa volonté souveraine.
Ainsi projette-t-elle de construire un monde parallèle nettement féminin (pour
ne pas dire lesbien !) où les Amazones, ressuscitées pour l’occasion, déblaieront
le monde des « monstres » masculins qui l’encombrent. C’est dire que
la vie des autres ne compte pas pour elle et qu’elle s’en nourrit abondamment
pour accomplir ses ténébreux desseins. Aucun scrupule ne vient l’intimider, aucune
pitié ne vient tempérer ses instincts sanguinaires. Elle est l’ Ève Future , non pas celle de Villiers de L’Isle-Adam,
mais la Lilith terrifiante dont la tradition hébraïque a fait soit la mère, soit
l’épouse du Glébeux , c’est-à-dire d’Adam, et
que d’autres prétendent l’amante de Sammaël, alias Shatam, Lucifer ou le Diable.
Au milieu des intrigues les plus subtiles et les plus louches, intervenant dans
la politique des États, bouleversant la vie privée des gens, imposant sa loi
dans l’Église catholique romaine jusqu’à vouloir devenir papesse , la Fausta de Zévaco est un de ces
personnages extraordinaires qu’on n’est pas près d’oublier tant est grand son
pouvoir de séduction sur les imaginations.
Elle a cependant un défaut : elle tombe amoureuse de
son ennemi Pardaillan. Et là, nous sommes en plein mélodrame. Ce n’est plus la
Mathilde de Matthew Gregory Lewis, ce démon fidèlement obéissant à Satan qui, dans le Moine , conduisait inexorablement en enfer
le prêtre sur lequel s’acharnait son maître, et qui, pour arriver à ses fins, n’hésitait
pas à se servir d’une sexualité débridée. C’est une démone amoureuse, vibrant d’un
grand amour, et déchirée par celui-ci. C’est pourquoi, elle, la Vierge des
Vierges, elle se donnera à Pardaillan, une seule fois, il est vrai, et quitte à
vouloir le tuer immédiatement après. Pardaillan la possédera effectivement, échappera
ensuite à son piège. C’est Fausta qui sera la victime, car elle engendrera un
fils qui, tel Merlin, sera doué de nombreux pouvoirs, mais cependant un héros
de Lumière. Étrange histoire… Le chevalier Pardaillan est à la fois Parzival le
Pur et Klingsor, l’enchanteur maudit. Quant à Fausta, c’est ce qu’on nommait au
Moyen Âge un succube , un démon femelle qui
vient assaillir les mâles dans leur sommeil. Quoi qu’il en soit, l’image de la
Fausta, même absente, ne cessera de hanter l’esprit de Pardaillan, et c’est
aussi par cette emprise qu’elle manifeste sa nature vampirique.
Avec Michel Zévaco, il s’agit de roman populaire. Mais, on
sait tout ce que le roman populaire doit aux mythes fondamentaux en lesquels se
retrouvent toujours les lecteurs dits du « grand public ». Dans un genre
voisin, un peu plus intellectuel, il est vrai, Pierre Benoit, dans son roman l’
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