Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
absolument retrouver, car elle demeure le seul point commun entre nos deux affaires. Pierre, je préférerais au bout du compte que tu te charges de débroussailler ce jardin à partir du Grand Châtelet. Je viendrai te rejoindre, dès que je le pourrai.
     
    Les deux hommes se séparèrent et Nicolas erra un moment avant qu’un laquais ne lui désigne le petit escalier qui conduisait aux logements du domestique. Alors qu’il cheminait dans un étroit couloir lambrissé de pin, il entendit des pleurs et des gémissements. Il se dirigea vers la rumeur et dans un recoin du couloir découvrit une jeune fille effondrée sur le sol, la tête penchée, plongée dans son tablier, et sanglotant la poitrine secouée dehoquets. Le commissaire toussa. Elle leva vers lui un visage chiffonné et rougeaud qui ne gâchait pourtant pas la joliesse de ses traits.
    — Mademoiselle, puis-je vous venir en aide ? Êtes-vous blessée ?
    À ces questions répondit un désespoir redoublé qui embarrassa Nicolas. Peut-être fallait-il en revenir à des propos plus banals ?
    — Êtes-vous femme de chambre ici ?
    Elle leva son pauvre visage crispé.
    — Moi, servante Altesse impériale, Maria Féodorovna. Que vouloir monsieur ?
    — Avec l’accord du prince et de l’ambassadeur, je m’informe au sujet du…
    Il s’arrêta brusquement. Encore qu’il doutât fortement que la nouvelle n’eût pas transpiré, devait-il évoquer les deux meurtres au risque d’orienter ce qu’il pouvait recueillir de la bouche de cette jeune fille ? Le mieux était de s’en assurer.
    — Je cherche Pavel. L’avez-vous vu ce matin ?
    — Non ! On dit lui absent et repartir bientôt pour Russie.
    Sa respiration se rétablissait, elle le considérait avec curiosité.
    — Quelle est la cause de cette grande peine ?
    Le pouvoir de séduction de Nicolas était tel qu’elle finit par sourire, se leva et rajusta sa tenue.
    — Bon beaucoup, monsieur. Dimitri pas gentil. Lui repousser moi.
    Nicolas s’interrogea sur le goût des femmes. Comment ce barbu au charme ténébreux avait-il pu captiver et embobeliner cette jouvencelle ? Les mystères de l’amour demeuraient impénétrables.
    Il dévia le cours du propos, méthode qu’il utilisait pour mieux revenir à son objectif 53 initial.
    — Vous parlez bien le français.
    — Seuls ceux parler français venir voyage.
    — Cela explique cela, c’est parfait. Vous avez connu Dimitri en Russie ?
    — Pas. Lui arriver ici après.
    — Et il vous a suivie ?
    Elle le regarda, interloquée.
    — Non ! Moi vouloir faire sa chambre. Lui refuser. Lui dire paroles méchantes. Me traiter moi de «  putana  ».
    — C’est en effet peu aimable. Pourriez-vous m’indiquer où se trouve le logement de Dimitri.
    — Pourquoi vous demander cela ?
    — Je ne puis vous le dire, c’est un ordre de Sa Majesté impériale.
    Il lut dans le front plissé de contention le débat intérieur qui agitait Olga, la femme de chambre. Elle soupira.
    — Vous suivre le couloir, puis deux marches. Alors porte à droite, chambre Dimitri.
    — Je vous remercie, mademoiselle. Mais…
    Il la regarda, fronçant les sourcils d’une manière sévère. Cette mimique eut un effet immédiat. La jeune femme éclata derechef en sanglots.
    — Lui, faire peur… à moi, dit-elle hoquetant.
    — Pourquoi cette crainte ? Vous semblez l’aimer.
    — Moi amie et… lui… comme moine.
    — Que voulez-vous dire ?
    Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais un bruit lointain l’effraya et, ramassant ses jupes, elle s’enfuit en courant.
     
    Il poursuivit sa progression dans le couloir. Des portes ouvertes laissaient apercevoir de tristes espaces resserrés, aux lambris crasseux, des couchetteshideuses et cette odeur de pauvreté qui, tant de fois, avait frappé Nicolas dans des visites similaires. Il était conscient que l’opulence, le luxe, le confort, la beauté, la lumière et tout ce que l’art peut apporter de supplément pour entourer la vie des riches de l’appareil d’une vie heureuse, faisaient contraste avec la condition du plus grand nombre. Qu’y pouvait-il ? Des hardes éparses et sales traînaient sur un sol poussiéreux, la bourre de paille des matelas crevés jonchait le carrelage crasseux. Portes et cuvettes ébréchées figuraient les seuls instruments d’un possible bien-être. Qu’avait-on en effet à penser au bonheur de serviteurs, souvent considérés comme l’écume

Weitere Kostenlose Bücher