Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
des campagnes ? Beaucoup les prétendaient porteurs de tous les vices qui peuvent flétrir l’humanité et les décrivaient comme les auteurs possibles de tous les crimes qui la déshonorent. Il se remémora avec une triste douceur l’affection unanime que les serviteurs de Ranreuil portaient au marquis, son père, tant celui-ci leur prodiguait considération et aide. Ils constituaient autour du maître une famille dévouée. Son père lui avait mille fois répété, s’adressant à celui qui ne se croyait alors que son filleul et qui ne saisissait pas toujours le caractère testamentaire de ses recommandations, «  que le vrai mérite rend tout égal et qu’il faisait pour cette raison plus cas de ses serviteurs que de tous les puissants de l’univers » .
    Au bout du couloir après les deux marches à main droite, une porte de meilleure apparence signalait le logement du secrétaire du prince. Nicolas songea qu’en dépit de son titre il n’était qu’un serviteur ravalé au fretin du domestique. Il frappa à tout hasard. Aucune réponse ni bruit particulier. Il usa de son rossignol auquel aucune serrure ne résistait.L’huis s’ouvrit sans difficulté. Il entra dans une pièce beaucoup plus grande que les soupentes observées précédemment. Une odeur composite le saisit aux narines. Il ferma les yeux, il se crut revenir dans la collégiale Saint-Aubin de Guérande les jours de fête carillonnée. C’était bien là l’odeur de l’encens mêlé à celui des cierges. Il envisagea une commode qui lui rappela la chambre du comte de Rovski. Il y avait une vingtaine d’icônes, certaines aux couleurs éclatantes et d’autres aux tons éteints, devant lesquelles des cierges étaient disposés. Une chambre austère, une vraie cellule de moine. Une armoire dans laquelle diverses tenues pendaient, accrochées à des clous. Dans le tiroir de la commode du linge, usé mais propre, il découvrit aussi à sa grande surprise une sorte de discipline à plusieurs liens de cuir chargée de pièces de plomb. À quoi servait cet instrument de torture ? Des traces de sang y paraissaient encore. L’homme usait-il de macérations inhumaines ? Il trouva aussi des livres en langue russe ornés de gravures religieuses. La fouille d’un portemanteau en cuir se révéla inutile. Aucun indice ne fut découvert.
    Nicolas allait se retirer après un dernier coup d’œil quand son attention fut attirée par un pot empli de sable dans lequel de petits cierges de cire orange étaient fichés. Un coin de papier dépassait, qu’il tira, dégageant une feuille pliée en quatre. Il la déploya aussitôt et demeura perplexe. Il s’agissait d’une adresse à Paris sans autre indication qu’un dessin étrange, qui aurait pu représenter une feuille, et un numéro 1 en chiffre romain. Il en prit copie. La rue en question, celle des Trois-Maures, appartenait à la partie de la ville la plus ancienne et la plus resserrée ; elle se situait entre la rue des Lombards et la rue Trousse-Vache. Que signifiait tout cela et pourquoi cette adresse avait-elle été dissimulée – mal – dans ce pot de sable ? Il remit tout en place. Une dernière inspection n’apporta rien de nouveau. Il referma avec soin la porte et se mit à la recherche du logement du majordome. Rien ne lui permit de le trouver et il remit cette investigation à plus tard.
    Rien ne le retenant pour le moment à l’Hôtel de Lévi, il décida de faire un saut rue Montmartre. Il entraînerait Louis, s’il était au logis, chez maître Vachon pour les essayages de leurs habits de cour en vue du grand bal de la reine à Versailles.
     
    Une voiture empruntée à l’hôtel de police le mena à destination. Il trouva Louis qui aidait Poitevin à étriller Sémillante, laquelle manifestait son allégresse par des encensements et des pas de quatre. Le maître de maison était sorti pour la promenade quotidienne recommandée par feu le docteur Tronchin. Louis, en chemise, se rhabilla en hâte pour suivre son père. Vachon les accueillit à l’accoutumée, traînant au milieu de son bataillon de petites mains. Il lança quelques ordres et une sorte de procession s’organisa. Quatre garçons se dirigèrent vers l’arrière-boutique et en revinrent peu après portant, avec des précautions que redoublait le regard méfiant du tailleur, les habits de la famille Ranreuil qui furent déposés sur le comptoir.
    — Maître Vachon, mon bon ami, vous me paraissez

Weitere Kostenlose Bücher