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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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forci ? Croyez-moi, de l’eau claire limonée et du biscotin. Mais ce n’est rien et je vous ferai tenir par porteur vos habits dès demain à l’hôtel de Noblecourt. Comment se porte notre cher procureur ?
    — Il se porte comme un charme ! Et je souhaiterais vous payer…
    — Comment ! Me payer ! Fi, le vilain mot ! Monsieur le marquis recevra mon mémoire à la fin de l’année. Pas avant. Un homme qui a parlé de moi au roi !
    Ils furent raccompagnés dans la rue avec les salutations d’usage. Dans la voiture, Nicolas réfléchissait. Qui pouvait loger rue des Trois-Maures ? Et qui Dimitri, arrivé depuis peu à Paris, pouvait-ilconnaître dans cette rue pour avoir son adresse ? Et pourquoi l’avoir dissimulée dans le sable d’un pot ? Il devait sur-le-champ se rendre sur place pour savoir à qui l’on avait affaire.
    — Louis, je te reconduis rue Montmartre car un souci urgent me réclame.
    — Quand vous reverrai-je, père ?
    — Hélas, mon garçon, j’espère avant le bal. Je déplore de ne pouvoir profiter de ta présence autant que je le souhaiterais.
    — Le service du roi.
    — C’est notre part. Notre position, un habit que nous porterons au bal de la reine et qui ferait vivre un an une famille pauvre, a une contrepartie, le service du roi.
    Un long silence suivit, qui les plongea chacun dans sa méditation.
    — Tu peux croire que je préférerais te donner plus de temps.
    — Je sais, père. Me permettez-vous de monter Sémillante ? Je crains qu’elle ne languisse de devoir rester à l’écurie.
    — Je t’en serais reconnaissant, dit Nicolas ravi de pouvoir satisfaire Louis, d’autant que sa monture éprouvait pour le jeune homme une particulière dilection.
    La joie que manifesta le lieutenant aux carabiniers de Monsieur rasséréna Nicolas. Il y avait peu de marge entre l’enfance et la maturité…
     
    Depuis la rue Montmartre, la voiture, par le cimetière des Innocents, la rue Saint-Denis, l’hôpital des Filles-de-Sainte-Catherine, la rue des Lombards et celle de la Vieille-Monnaie, parvint à destination. La ruelle était obscure, étroite et courte, servant de lienentre deux voies plus importantes. Nicolas ne fut pas long à trouver la boutique du plumassier, fournisseur de maître Vachon.
    Il poussa la porte et se mit aussitôt à éternuer sans pouvoir s’arrêter, comme s’il venait de priser. Une voix grave s’éleva depuis le fond obscur de l’atelier.
    — Monsieur n’est point accoutumé ! C’est rien que la poussière de la plume qui vous chatouille le naseau. Et pour cause, le courant d’air. Béraud, maître plumassier pour vous servir.
    L’homme approchait la soixantaine, corpulent, visage mafflu et grêlé, et portait une perruque de crin ajustée de guingois. Sartine en possédait-il une qui fût aussi rustique ?
    — Monsieur, j’ai scrupule à vous déranger pour une information de peu… qui cependant me chagrine et pour laquelle je requiers votre aide.
    — Point de dérangement. Serviteur, monsieur. En quoi que je puis vous aider ? Présentez-moi votre paquet sans tournaillerie 54 .
    — Je suis en quête d’une personne dont je ne possède que l’adresse. Selon tout ce que je sais, elle demeurerait dans votre maison, au premier étage peut-être ?
    Il avait lancé cet appât en relation avec le I en chiffre romain qui pouvait sans excès d’imagination correspondre à un étage ou à un numéro de chambre meublée.
    — J’ai votre réponse, monsieur. J’suis point dans une maison à moi, car je loue à bail mon atelier à M. Moyneau, rentier qui possède un paquet de maisons dans c’te coin, rue des Lavandières et de la Vieille-Monnaie. Ici, au-dessus, il donne à bail à chaque étage un appartement meublé.
    — Et connaissez-vous les locataires ?
    L’homme, méfiant, le regarda, ôta son tas de crin et caressa son crâne chauve.
    — À vrai dire, monsieur, j’m’en bats les flancs et me mêle point des affaires d’autrui. Et d’abord, pourquoi vous m’posez la question ?
    — Je vous l’ai dit. Je cherche une personne qui habite ici.
    — Vous devez donc savoir son nom.
    Le ton était ironique et l’homme avançait, le poussant du jabot au dehors. Nicolas se résigna à d’autres mesures.
    — Je vous conseillerais, cher monsieur Béraud, d’en venir promptement à plus de bienséance. Maître Vachon, mon tailleur, m’avait parlé de vous en termes les plus flatteurs, mais je suis

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