L'enquête russe
guet.
— Monsieur, nous avons un indice concernant la princesse de Kesseoren.
— Aurait-elle reparu, signalée par notre vigie ? Le maître plumassier aurait-il tenu sa parole ?
— Point. Nos mouches animées par Tirepot…
Le vieil homme salua.
— … ont fait leur besogne. Espérons que la piste trouvée soit la bonne !
Nicolas considéra Tirepot avec amitié.
— Alors Jean, comment vas-tu, mon pays ?
— Je me fais trop vieux, parfois j’aurions bien tentation de retourner à Pontivy.
— Allons, tu nous es trop utile et tu sais pouvoir compter sur moi.
— Ça, je le sais, gast !
— Alors qu’as-tu découvert ?
— Rien n’arrive dans c’te ville qu’on ne sache à la pointe. J’avions prévenu mes marmousets qui se sont répandus dans Paris comme mouches sur la charogne.
— C’est le cas de le dire ! dit Bourdeau, hilare.
— Ils ont musé, reniflé, causé, interrogé et observé. Résultat, nous avons appris qu’une dame étrangère s’donnait bien du tracas pour passer inaperçue. C’est une fine matoise, car elle a réussi à échapper à la poursuite, soit que mes gens l’ont été repérés, soit qu’elle soye méfiante de nature. Tout tassé, on a son adresse et le nom de la dame qui l’héberge, une certaine comtesse Skzrawonski, une étrangère, russe ou polonaise. C’est ça qui a attiré le soupçon et remué nos méningeoires. Elle habite…
Il fut interrompu par Nicolas.
— Rue d’Anjou, à l’angle du cul-de-sac de Nevers, au premier étage.
L’assemblée muette le fixait avec stupéfaction.
— Voyez ces faces de carême ! Ne suis-je pas réputé pour mon intuition ?
— Là, c’est furieusement intrigant. Sûr, tu as consulté la Paulet !
— Le hasard fait tout à l’affaire. J’ai accompagné le comte et la comtesse du Nord à Sceaux chez le duc de Penthièvre. Lequel, soit dit en passant, m’a demandé de tes nouvelles avec beaucoup de sentiment.
— Le duc… Mes nouvelles ? balbutia Bourdeau, les larmes aux yeux.
— Oui, tes nouvelles. Faut-il qu’il ait bonne mémoire et soit informé que je suis ton commissaire et ton ami ! Bref, en revenant de cet excellent prince, j’ai accompagné la baronne d’Oberkirch chez une de ses amies, la comtesse Skzrawonski, rue d’Anjou. Voilà le secret de ma science ! La famille de son époux descend d’un frère de Catherine, la première femme de Pierre le Grand. Elle serait proche de la tsarine et dame à portrait . Donc, il semble qu’elle ait accueilli notre prétendue princesse ! J’irai lui rendre une petite visite. Mes compliments, Tirepot. Pontivy attendra encore.
Il ouvrit le tiroir du bureau et en sortit une bourse gonflée qu’il tendit à Tirepot.
— Tiens ! Et n’oublie pas de récompenser les autres. On travaille en bande. Et continue la surveillance.
— C’est un seigneur ! Evit ur boanigenn, kant madigenn (pour une petite peine, cent douceurs), dit Tirepot ravi. Je vas récupérer mon attirail que ton père Marie, tout breton lui aussi, m’a empêché d’entrer ici.
— Si la princesse s’est rendu compte de notre filature, il est à supposer qu’elle ne reparaîtra pas de sitôt rue d’Anjou.
— La comtesse, quelle que soit son importance, est ici une étrangère. Nous sommes en guerre. Je crois que je vais lui faire une visite de courtoisie. Qu’elle évente la chose à l’intéressée, peu importe. Cela lui fermera cette retraite comme les autres. On finira par mettre la main dessus. Rabouine, tu t’agites ?
— Deux personnages qui correspondent à tesrubaniers de l’Hôtel de Lévi ont été repérés par un marchand d’estampes qui est à nous. Il semble qu’ils étaient en quête de livrées de laquais à la fripe du Louvre.
— En ont-ils trouvé ?
— Oui. Le marchand d’habits me l’a assuré. Les deux en question ne parlent pas français, mais sont en fonds, ayant réglé la dépense sans marchander, ce qui est inhabituel et a fait dresser l’oreille à notre commerçant.
— Inquiétant ! Quel mauvais coup préparent-ils ?
— Tu vois que les nouvelles abondent. Mais toujours des fils séparés, difficiles à réunir en écheveau. Cela ne fait que jeter un beau coton sur l’enquête 60 .
— Allons, te voilà bien murmurateur, ami des ducs ! As-tu quelque chose à m’apprendre ?
— Je serais bien le seul à ne rien t’apporter ! Je reviens de Choisy. La demoiselle Anne Desmarets y
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