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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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ouvrage debout, prêt à l’achever si le libraire ne le rappelait pas à l’ordre en le tirant de son enchantement. Il en sortait, comme jadis enfant, il s’extrayait avec une sorte de douleur du tableau ou de la gravure dans lesquels son imagination l’avait fait pénétrer. Il songea avec nostalgie aux murailles de livres de la bibliothèque du château de Ranreuil. Tout cela lui appartenait, pensa-t-il avec jubilation. Que n’y était-il, réfugié à l’abri du monde et de ses horreurs, à méditer sur l’histoire et l’humaine condition ?

    À la résidence russe, l’ambassadeur l’accueillit et lui annonça de but en blanc que le prince l’avait réclamé et ordonné que s’il paraissait, il soit prié à dîner à sa table. Bariatinski l’entraîna vers un salon où le couvert était dressé. Le comte du Nord, debout, devisait près de la croisée avec son ami d’enfance, le prince Kourakin. Il regarda longuement Nicolas qu’il salua à peine. Ils prirent place à une table ronde, presque un guéridon. L’ambassadeur faisait face au prince, qui avait le commissaire à sa droite et Kourakin à sa gauche. Sa physionomie parut se détendre.
    — C’est mauvaise façon vous convier un vendredi, jour où comme vous catholiques, nous faisons maigre. Pour moi, cela ne me change guère, le légume bouilli et les pommes cuites font en général mon ordinaire. Mais qu’avons-nous pour nos hôtes, Nikita ?
    Le maître d’hôtel ou plutôt le majordome qui en faisait office, le titulaire n’étant plus, s’inclina et débita le menu.
    — À l’ordinaire pour Son Altesse impériale. Autrement oukha , soupe de poissons avec pommes de terre et okrochka accompagné d’esturgeon bouilli à laquelle on ajoutera un kéfir. Au préalable seront servis des harengs marinés, du caviar, des concombres à l’aigre-doux. Enfin, en dessert, un vatrouchka au fromage blanc et fruits confits.
    — J’ai visité les Invalides ce matin, dit le prince sans préalable. J’ai admiré cette institution voulue par le grand roi et me suis fait donner tous les détails, les plus minutieux, sur l’organisation et le traitement de ces braves soldats. Je ne l’oublierai pas… quand le moment viendra.
    Nicolas observa que les traits du prince se contractaient, qu’il pâlissait sous l’effet de sentiments intérieurs dont il n’était pas difficile d’imaginer la nature.
    — Je me félicite de les voir revêtus, ces vétérans, d’un même uniforme. J’en ferai faire une copie.
    — Son Altesse impériale, précisa l’ambassadeur, collectionne les modèles d’armes et d’uniformes.
    — J’aime l’uniformité dans les uniformes. Ah, ah ! Cette formule est drôle ! Je déteste les chapeaux ronds, oui je les hais. Quand je serai le maître, j’interdirai les pantalons, les gilets seront remplacés par des vestes allemandes. Quant à la coiffure, en arrière avec poudre, tresses en cadenette et le tricorne, oui le tricorne.
    Tout en parlant, il enfournait avec une hâte indescriptible de minuscules quantités de nourriture, en buvant par instant un doigt de Malaga.
    — Je me suis laissé dire, monsieur le marquis, que votre fils était officier ?
    — En effet, il est lieutenant au régiment des carabiniers à cheval de Monsieur, frère de Sa Majesté.
    — Fort bien ! Mes compliments. Le détail de son uniforme ?
    — Justaucorps en drap bleu orné de parements, un galon d’argent, revers écarlate, culotte et gilet blancs.
    — Un ensemble superbe, dit le prince Kourakin.
    — Éclairez-moi, reprit Paul. J’entends parler d’officiers des gardes et d’officiers aux gardes. Je n’y entends rien ! Quelle est la différence ?
    — L’officier des gardes, monseigneur, appartient au corps des gardes qui assument à Versailles la protection de Sa Majesté. L’officier aux gardes, lui, ressort du régiment des gardes-françaises chargé de l’ordre à Paris.
    — Kourakin, tu me feras dessiner un modèle de l’uniforme des carabiniers à cheval. J’en fais collection, monsieur, ainsi que des exemplaires d’armes anciennes. J’ai eu l’occasion d’en récolter d’antiques spécimens durant mon périple dans les cours d’Europe. Nikita, demandez à Ivan Pavlovitch de m’apporter mon étui d’armes.
    La conversation se poursuivit et s’égara au gré des fantaisies du grand-duc qui sautait du coq à l’âne pour revenir au coq et inversement. Il développa avec chaleur son

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