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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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avait reçu le comte du Nord en ami, le duc d’Orléans en bourgeois et le prince de Condé en souverain » . Pour conclure, Le Noir, un peu parti, souhaita, en riant, que cette visite pût s’achever au plus vite sans autre anicroche. Nicolas, moins insouciant, remarqua sous forme de sentence que le passé nourrissait l’avenir et que ses fruits, doux ou amers, étaient encore à mûrir.

    Jeudi 13 juin 1782
    À peine éveillé, Nicolas écrivit à Aimée d’Arranet avec laquelle il n’avait pu s’entretenir en tête à tête depuis l’agression de Versailles. Il savait que les prochains jours seraient tout entiers consacrés à l’enquête, dont les trames paraissaient se resserrer. Il acheva sa lettre :
    Chère Aimée, je souhaite vous dire, ne l’ayant pu depuis notre commune aventure, l’horreur de la crainte ressentie quand je vous vis aux mains de ce brigand. J’eus alors l’impression de perdre toute espérance. Pourquoi n’exprimons-nous pas toujours les sentiments que nous ressentons le plus ? Chaque jour et chaque nuit me paraissent si longs quand je suis loin de vous. Il n’est point d’instant où votre visage aimé ne s’impose à moi au milieu de mes tâches. Puissiez-vous en être persuadée. Mon cœur est toujours le même et la crainte éprouvée m’a fait mesurer cette tendresse dont auparavant je ne connaissais pas l’étendue. Je sais, dans ma charge, avoir trop peu de temps à vous consacrer et que vous en souffrez, mais vous êtes la première dans mes pensées. Je vous quitte impatient de vous tenir dans mes bras et vous baise, mon amour, comme jamais amante n’a été baisée.
    Nicolas.
    Au moment où il posait sa plume, le visage d’Antoinette s’imposa. Il s’examina avec cette native sincérité qui présidait toujours à ses examens de conscience. Il menait sa vie et ne mêlait pas les diverses affections qu’il éprouvait. En dépit de savolonté de se sentir coupable de sentiments parallèles, il n’y parvenait pas. Son existence comportait des tiroirs dont le contenu ne se mélangeait pas et dont la valeur ne se comparait d’aucune façon. C’était ainsi. Il soupira et mesura combien la nature humaine était complexe, sans véritable capacité à résoudre ses propres contradictions.
    Il écrivit une seconde lettre destinée à sa sœur, Isabelle de Ranreuil, religieuse à l’abbaye royale de Fontevraud. Louis, en garnison à Saumur, la lui porterait. Il gagna ensuite la rue Montmartre où régnait le silence. La goutte visitait la maison et Noblecourt reposait après une mauvaise nuit de douleur et d’insomnie. Louis fut surpris achevant son bagage. Il se jeta dans les bras de son père avec d’autant plus d’émotion qu’il craignait de ne le point revoir avant son départ. Nicolas remit à son fils le pli pour sa tante et une bourse bien remplie, destinée à ses menus plaisirs, le tout dûment accompagné de multiples recommandations. Mouchette, râleuse, continuait à bouder et Pluton dormait aux pieds du lit du vieux magistrat. Nicolas fut houspillé par Catherine, que son absence prolongée irritait. Il prit un fiacre devant Saint-Eustache à destination du Grand Châtelet.
     
    Une déception l’attendait. Un pli de Bourdeau venait d’arriver de Versailles par porteur. L’inspecteur était retenu par Vergennes qui souhaitait que le commissaire les rejoignît au plus vite avec le matériel ad hoc. À mots couverts, il indiquait qu’il était hors de question de transférer à Paris les copies des messages et que le travail devait se faire sur place ; en conséquence Nicolas devait se mettre en route dès réception de ce message. Il enragea dene pas avoir pris Sémillante, qui l’eût mené à destination au grand galop en peu de temps. Il chargea le père Marie, toujours expert en expédients, de lui trouver une voiture rapide. Il consulta sa montre ; il ne serait pas à Versailles avant l’heure du dîner, au mieux vers midi. Il faisait confiance au père Marie à qui il avait précisé sa hâte d’éviter une de ces voitures de place, ces fiacres qu’il utilisait si souvent en ville, inconfortables, sales, aux boîtes puantes, tirés par des haridelles éreintées. Ces véhicules n’allaient pas plus vite qu’un homme à pied, ce qui engageait souvent Nicolas à favoriser son goût de la marche.
     
    L’huissier vint le chercher. Il avait fini par trouver un cabriolet proposé par un jeune homme qui n’avait pas licence de le

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