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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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donc une clé lui permettant d’ouvrir la porte de l’hôtel et aussi le passe général pour les chambres ?
    — Assurément. Le contraire eût occasionné des difficultés que seule la possession de ces passes permettait d’éviter. Il a toute ma confiance. Je me repose en tout sur lui.
    — L’attendez-vous aujourd’hui ?
    — Il devrait être déjà là. Je m’étonne…
    — Comment, le commis absent, le valet de Rovski a-t-il pu entrer ce matin. Étiez-vous présent ?
    — Non… Je suis arrivé peu après. Je loge dans une maison adjacente… Il devait avoir le passe de son maître.
    Cela supposait, songea Nicolas, que le comte n’avait nulle intention de sortir ce soir-là.
    — Cet Harmand, j’entends l’interroger dès son arrivée. Veuillez, je vous prie, le lui signifier.
    — Messieurs, je suis votre serviteur.
    Il salua et se retira courbé, quasi à reculons.
    Nicolas réfléchit un moment et regarda Bourdeau qui hochait la tête. Il fut sur-le-champ convaincu que son adjoint et ami pensait la même chose que lui. Entre eux le phénomène était fréquent, fruit d’une connivence de deux décades.
    — Je ne goûte guère cette série de coïncidences qui aboutissent à faciliter les conditions d’un assassinat.
    — Et à nous compliquer la compréhension du crime. Et quant à La Jeunesse…
    Dans le vestibule, ils retrouvèrent l’intéressé qui les attendait, assis sur un ployant. À leur vue, il se leva d’un bond.
    — Veyrat, dit Nicolas, nous avons quelques questions à te poser. Ton ami Bourdeau et moi souhaiterions savoir où tu as soupé hier soir. Le détail de ton menu nous agréerait, tant gourmands nous sommes l’un et l’autre.
    Cet exorde débité à dessein sur un ton des plus patelin surprit jusqu’à l’inspecteur, qui écarquilla les yeux. Le valet fixait Nicolas, la bouche ouverte sans répondre.
    — Allons, mon ami, un petit effort ou nous serons contraints à cheminer de conserve jusqu’à ce tripot du cul-de-sac de… des Champenois.
    — Oui, oui, c’est bien cela.
    — Tu confirmes avoir soupé dans une taverne du cul-de-sac des Champenois ?
    — Sans doute, sans doute.
    — Bien ! Cela est confirmé. Notez la chose, monsieur l’inspecteur. Il y a cependant un petit problème que nous allons tenter de résoudre. Il y a trois quarts d’heure, ne nous as-tu pas affirmé avec l’aplomb d’un homme d’expérience et de sincérité que tu avais soupé cul-de-sac des Provençaux…
    L’homme tenta d’interrompre le commissaire sans succès.
    — J’ai confondu…
    — Ta, ta, ta ! Tu n’as rien confondu du tout. La vérité c’est que les Provençaux te sont venus à l’esprit pour te sortir d’embarras. Dis-toi bien que nous avons un témoin qui t’a vu fort tard ici, dans cet hôtel où ton maître a été… égorgé.
    Le piège était grossier, mais l’expérience prouvait qu’il aboutissait dans la majorité des cas à la déconfiture du témoin. Vieux cheval de retour, le Veyrat se tortillait, bâillant comme une carpe sortie de l’eau. Bourdeau lui donna le coup de grâce.
    — Allons, ne fais pas ta mauvaise tête ! Elle est dans ta poche, donne-la-moi gentiment. Tu es battu à ruines et rien ne te permettra d’échapper à ce qui t’attend si, sur-le-champ, tu ne vides pas ton sac.
    Cette injonction fut accompagnée d’une forte bourrade en forme d’argument encourageant. Aussitôt Veyrat mit la main dans sa poche et en sortit une clé galamment ornée d’une passementerie de soies jaunes et bleues, et baissa la tête, piteux et tremblant.
    — Et l’on disait de toi jadis que tu étais un barbet retors et aux nerfs d’acier ! Fausse réputation !
    — J’ai vieilli, monsieur Bourdeau. La main n’est plus là.
    — Bon. Au lieu de nous lamenter sur le passage du temps, il serait bon que tu bafouilles la vérité. J’espère pour toi que tu as eu la sagesse de te maintenir à la lisière de ce meurtre.
    — Écoutez-moi ! Je ne suis pour rien dans tout cela. Je vais tout vous dire. L’histoire est banale. La Paulet ne voulait plus fournir pour les raisons que je vous ai données. C’est une bonne mère. Elle a toujours veillé sur son troupeau. Elle trouvait qu’il transformait les chatières en portes cochères et empruntait par trop souvent le souterrain de la rue de la lune. Ses filles lui revenaient brisées et meurtries…
    — Je reconnais bien là le langage fleuri de notre

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