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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l’assassin. Pour d’obscures raisons, tu massacres ton maître et bouleverses la pièce pour nourrir d’autres présomptions. Contre qui ? Pour faire accuser qui ? Qu’en dis-tu ? Je te conseille de parler. Cesse de jouer à cligne-musette avec nous, sinon, comme te l’a dit Bourdeau, il t’en cuira.
    Soumis à cette avalanche de questions, l’homme se tortillait, apparemment saisi de réflexions contradictoires, mais toutes sinistres.
    — Ce n’est pas moi, je n’y suis pour rien.
    — Cesse de palinoder, dit Bourdeau. Écoute le commissaire, il te veut du bien.
    — Si ce n’est toi, c’est donc un autre. Seconde hypothèse : tu as facilité un complot contre ton maître. Comme fomentateur secondaire et complice, tu en répondras tout autant que si tu étais l’auteur du meurtre. Nous tournons en rond. Alors ?
    Nicolas ne goûtait guère ce jeu cruel où la menace alternait avec des espérances de mansuétude. Il savait qu’il était pourtant nécessaire pour ameublir les résistances d’un personnage plus matois et retors que son accablement présent pouvait le faire supposer.
    — Peut-être, reprit-il face au silence de Piquadieu, as-tu fait affaire avec la dame en question dont la qualité ne me semble pas aussi garantie que tu voudrais nous le faire accroire ?
    Il décida de poser une question ex abrupto sur un autre sujet, méthode qui avait fait ses preuves.
    — Et cette dame, où l’avais-tu rencontrée ?
    — Je vous l’ai dit. Au jeu.
    — Certes, mais dans quel tripot précisément ?
    — Un salon d’entresol à l’angle de la rue Saint-Honoré et de la rue de la Sourdière.
    — Bon ! Revenons au détail. Tu empruntes le passe du comte de Rovski. Il n’y a personne à l’hôtel, tu le sais. Tu introduis la dite dame et, bien sûr, pour ce rôle de… d’intermédiaire, tu touches cette récompense qu’on accorde d’ordinaire à ce genre de services. Après, qui sait ce qui est arrivé ?
    Dans cette quête d’une vérité qu’il souhaitait arracher, Nicolas n’oubliait pas les autres éléments relevés dans l’appartement du comte. Il n’en faisait pas état, soucieux d’obtenir une déclaration du témoin susceptible de servir de base à des constructions ultérieures. Veyrat semblait réfléchir. Un difficile débat intérieur l’agitait dans lequel il se débattait, pesant le pour et le contre. Nicolas mesurait qu’un homme de cet acabit pouvait d’un mot, d’une confidence, l’orienter sur une mauvaise piste ou ne distiller qu’une part infime et dérisoire de la vérité sur laquelle l’enquête ne prendrait pas pied.
    — Monsieur Le Floch, j’ai confiance en vous. Chacun prétend que vous êtes un homme à qui on peut se fier…
    Voilà encore, songea Nicolas, un hommage du vice à la vertu.
    — … C’est bien cela qui s’est passé.
    — Et quoi ? Tu l’as tué ? Tu as fait entrer la dame ?
    — Non ! La dame. J’ai fait affaire avec elle. Et comme je ne voulais pas perdre le bénéfice de ce truchement…
    — Comment cela ? s’écria Bourdeau. Ne pouvais-tu en parler à ton maître ?
    Veyrat hésita un moment à poursuivre.
    — C’est que la dame en question avait exigé en condition absolue que je ne prévienne pas mon maître. Craignait-elle de ne pas convenir ? La voyant si affriandée, je n’y ai pas vu malice et j’ai consenti à respecter ses exigences. Je jugeais d’ailleurs que par son apparence et sa beauté, elle était de nature à le satisfaire.
    Il avait le ton de la sincérité. Mais allez savoir avec ce type de filou ! Restait, se disait Nicolas, le point intrigant, celui de la couleur des passes. Qu’allait-il répondre à cela ?
    — Bien, je te veux bien croire. Il demeure que ton passe possède un pompon jaune et bleu alors que celui que M. Lachère avait confié à M. de Rovski était orné d’un exemplaire rouge et or. As-tu une explication ? Et entends bien qu’il ne s’agit pas d’un détail !
    — Vous me mettez à la géhenne.
    — Réjouis-toi de n’y être point soumis.
    — Reprenons, tu arrives à l’hôtel à huit heures.
    — Oui.
    — Nous savons qu’il était à cette heure vide. Enfin, juste habité par un cadavre. M. Lachère n’est pas encore venu et le commis Harmand est absent. Comment ouvres-tu ?
    — Avec ce passe que vous m’avez ôté tout à l’heure.
    — Bigre ! Tu ne dis pas la vérité. Celui confié au comte est différent. Celui-ci

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