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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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amie !
    — Le comte m’a donné l’ordre de pourvoir à ses plaisirs de ma propre initiative. Il y a de cela plusieurs jours.
    — Ma foi ! Le métier, tu le possèdes au bout des doigts, non ? Aucune de ses ficelles ne t’est méconnue.
    — J’avais quelque peu perdu mes accointances avec le monde de la galanterie. Que pouvais-je faire ? Cependant, il n’est point malaisé par les temps qui courent de relancer ses filets. J’ai renoué avec des appareilleuses, des courtières de débauche, et quelques maquerelles de la ville. Le plus simple, c’était de recourir à des filles du voisinage dont ce n’est pas le métier habituel. On y trouve des domestiques, des couturières, des travailleuses en chambre qui dorent la pilule par accès lorsque leurs moyens périclitent. Chacun sait où les dénicher.
    — Je vois que tu n’as rien perdu de ta science de ce monde-là !
    — Faut bien vivre. Je cherchais quand par chance le ciel me vint en aide…
    — Je vous saurais gré, monsieur, de ne point mêler le ciel à ces débordements.
    Bourdeau sourit à la réaction de Nicolas.
    — Bon, si ça vous arrange. Un soir j’accompagnai le comte dans un tripot de jeu où il perdit beaucoup au pharaon. Une femme de qualité s’est approchée de moi pour m’interroger sur lui. Elle en paraissait entichée au point que l’idée me vint de les apparier. Constatant son appétence et persuadé qu’elle était fille à avoir vu péter le loup, je n’hésitai point et lui en fis galamment la proposition. J’affirmai que, soucieux des plaisirs et de la santé de mon jeune maître, je ne verrais qu’intérêt à ce qu’il trouve une liaison distinguée et régulière en rapport avec sacondition et sa délicatesse. Je ne lui dissimulai aucunement la nature et la qualité des appétits animaux de M. de Rovski, conséquence d’une ardeur juvénile… Cela parut ne la point rebéquer, bien au contraire.
    — Et en ménageant sans doute au passage tes intérêts propres de manière confortable ? Ce qui est pratique habituelle des maquereaux dont tu possèdes de longue main l’expérience.
    — Ma foi, c’est la rançon que le vice règle à la vertu. Nous fîmes affaire et la description de cette bonne fortune convainquit le comte d’avoir trouvé la perle rare. Je repris donc contact avec la dame et une entrevue fut organisée hier soir. M. de Rovski me confia le passe. J’étais chargé d’introduire la visiteuse et de me retirer.
    — Voilà une histoire fort circonstanciée qui fourmille d’affirmations, de détails précis, de zones d’ombres également. Nous allons reprendre tout cela point par point et je t’engage, avec toute l’amitié que nous te portons, à ne laisser de côté aucune information.
    — Je me livre serein à votre indulgence, car pour ce coup on ne peut rien me reprocher, sinon d’avoir rapproché la dame de mon maître.
    — Reste, dit Nicolas sarcastique, qu’un pompon rouge et or s’est malencontreusement transformé en pompon jaune et bleu. Devrons-nous consulter quelque faiseur de charmes pour élucider ce mystère ? Monsieur Piquadieu, je vous le demande ?

III
    PIÉTINEMENT
    « De complots ténébreux coupables artisans. »
    Voltaire
    Piquadieu accusa le coup et la sueur qui perla à son front n’avait rien de simulé. Il se mordait les lèvres dans un ricanement incontrôlé.
    — Alors, jeta Bourdeau, tu nous la craches, cette vérité, ou va-t-il falloir te l’arracher lambeau par lambeau ?
    Il y avait dans ce propos de telles menaces implicites qu’il redoubla la panique du valet. Ignorait-il que le roi dans sa mansuétude venait de supprimer la question ?
    — Je… je ne me l’explique pas. C’est la clé que le comte m’avait confiée.
    — Tu veux savoir ce que je crois, dit Nicolas. Le comte n’avait nulle intention de sortir hier soir, non plus que de souper. Ce vigoureux jeune homme avait, je le crains, d’autres appétits, une fâcheusepropension pour les liqueurs fortes. Des bouteilles vides et l’odeur persistante qu’exhale encore la bouche du cadavre témoignent avec éloquence de ce que j’avance. Il est mort sans doute dans l’ivresse de l’alcool. Que s’est-il donc passé ? Subsiste-t-il une vérité dans ce que tu nous as lâché ? Le comte t’avait-il donné ta soirée ? En as-tu profité ? À partir de là surgissent plusieurs hypothèses environnées de ténèbres ; la première, c’est bien toi

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