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L'Entreprise des Indes

L'Entreprise des Indes

Titel: L'Entreprise des Indes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik Orsenna
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des serres à la manière
des aigles.
    Il y a des Agrathes et des Brahmanes qui par amour se
jettent dans les brasiers. On y voit des barbares qui tuent leurs parents usés
de vieillesse et les mangent ; ceux qui se refusent à pratiquer cette
coutume sont considérés comme impies. D’autres mangent le poisson cru et
boivent l’eau salée de la mer. Certains monstres humains ont les pieds devant
derrière et leurs pieds ont huit orteils ; d’autres ont des têtes de chien
et portent des peaux de bêtes. Ils aboient comme des chiens.
    Il y a dans ce pays des femmes qui n’enfantent qu’une fois
et qui ont des enfants blancs à leur naissance qui deviennent noirs dans leur
vieillesse, laquelle ne dépasse pas la durée d’un été ; d’autres qui
enfantent cinq fois et dont les enfants ne vivent pas au-delà de la huitième
année.
    Il y a des hommes qui n’ont qu’un œil, on les appelle
Carismapi, et des cenofèvres appelés cyclopes. N’ayant qu’un pied pour se tenir
ils courent néanmoins plus vite que la brise ; quand ils s’assoient sur la
terre, ils se font de l’ombre en élevant la plante de leur pied en l’air.
    D’autres, acéphales, ont les yeux dans les épaules ;
en guise de nez et de bouche ils ont deux trous dans la poitrine et, à la
manière de certaines bêtes, leur corps est couvert de soies.
    Il y a des hommes habitant près des sources du Gange qui
vivent de la seule odeur d’un certain fruit et qui, dans leurs voyages,
apportent ce fruit avec eux ; s’il leur arrive de respirer une mauvaise
odeur, ils en meurent.
    Il y a des serpents tellement gros qu’ils dévorent les
cerfs ; ces serpents peuvent traverser l’océan à la nage. On signale
encore d’autres bêtes étonnantes, de formes épouvantables.
    Dans le Gange on voit des anguilles de 300 pieds de
long. Ainsi on parle d’un ver qui, comme les crabes, a deux bras longs de six
coudées au moyen desquels il peut enserrer un éléphant.
    L’océan Indien engendre des tortues dont les écailles
peuvent servir de logement spacieux aux hommes. Les auteurs ont parlé d’une
foule d’autres merveilles qu’il serait trop long d’énumérer ; mais je
renvoie le lecteur aux auteurs qui, comme Pline, Solin et principalement
Isidore dans le 1 er livre, chapitre III, traite de ces
merveilles et d’autres encore.
     
    Cher Diego !
    Il savait se taire lorsque nous abordions des questions dont
il devinait l’importance particulière. Je me souviens de ses yeux ronds quand,
d’une même voix, nous avons crié notre enthousiasme en découvrant le chapitre VIII  :
     
    Et dicit Aristotiles q mare paruu est iter fine Hyspanie
a pte occidetis 2 iter principiu Indie a parte orientis…
     
    Aristote déclare que la mer est petite qui sépare l’extrémité
occidentale de l’Espagne de la partie orientale de l’Inde. Il n’est pas
question, dans cette théorie de l’Espagne citérieure, connue aujourd’hui sous
le nom d’Espagne simplement, mais de l’Espagne ultérieure qu’on désigne
maintenant du nom d’Afrique et dont ont parlé de bons auteurs tels que Pline,
Orose et Isidore. De plus, Sénèque, dans son livre cinq de la Nature, dit que cette mer peut être franchie en peu de jours par des vents favorables.
     
    Gagner l’Inde par l’ouest !
    La fièvre de Christophe était revenue. Encore accrue, s’il
était possible, puisque Filipa, comme il me le rappelait sans cesse, en avait
été la première complice. L’Entreprise était repartie !
    Deux réalités géographiques, et deux seules, pouvaient y
faire obstacle.
    Qu’une chaleur excessive rende infranchissables certains
endroits de la Terre. Sur ce point, Pierre d’Ailly nous avait rassurés :
la vie était partout possible sur notre globe, et les mers partout navigables.
    Et que la mer océane soit trop large entre l’Europe et l’Inde,
interdisant toute traversée. L’ Ymago affirmait le voyage possible « en
peu de jours ».
    La mine de Christophe était celle, illuminée, d’un
prisonnier voyant s’ouvrir la porte de sa geôle. Il répétait sans fin la formule
latine : « paucis diebus », « paucis diebus ».
    C’est sans doute ce jour-là, à cet instant, que son rêve s’est
mué en décision.
    Nous avons continué de lire – l ’Ymago n’est pas
un livre mince et traite de toute la planète. Christophe a noirci ses marges de
notes. Mais nos esprits étaient ailleurs. Ils naviguaient déjà.
     
    *
    *  *
     
    Pour

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