Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
lui paraissait infranchissable.
    – Papa et maman doivent vouloir ma perte parce que je l’ai laissé mourir.
    – Je ne crois pas, Élisabeth. Papa et maman doivent au contraire être heureux de nous savoir vivants et encore plus heureux d’apprendre que tu as une...
    Elle l’empêcha de terminer, la pensée que sa fille puisse remarquer son absence ou sa démission lui étant insupportable.
    – Hum... J’ai le troisième œil. Pas celui du cyclope, mais le mauvais. J’abandonne. Je baisse pavillon. Ma vie est une longue malédiction et je pense qu’elle serait beaucoup plus simple si je la passais avec les mains dans les tomates comme Jerzy et Anna.
    L’œil du cyclope... Jan se mordit la joue, voyant poindre chez sa sœur un embryon de renaissance. Il lui prit doucement une main et la sentit se réchauffer.
    – Sais-tu ce qu’a fait Florence?
    – Quoi encore?
    Élisabeth ferma les yeux avant de regarder son frère, la bouche tirée par une terrible envie de voir ce que Florence avait encore inventé.
    – Elle a mis un nœud de dentelle sur la tête d’Agnès?
    – Non. Viens voir.
    Élisabeth ne put nier qu’elle n’en pouvait plus d’entendre pleurer sa fille sans se précipiter pour la consoler et il lui parut évident qu’elle devait abandonner son chagrin malgré son scepticisme. Saurait-elle ressentirquelque chose dans cette caverne immense, véritable cratère de son âme?
    Elle entendit Agnès pousser son cri rauque et la voix de Florence qui faisait d’audibles efforts pour parler à voix basse. Elle pensa à son doux Nathaniel qui devait s’inquiéter, redoutant de voir cette femme qu’elle lui avait décrite, pendue dans le néant de la souffrance.
    – Aide-moi.
    Jan fut comblé de la voir reprendre goût à la vie, et il lui embrassa la main pour l’en remercier et l’aider à s’extirper du lit. À l’insu de Michelle et de Florence, elle s’engouffra dans la salle de bains, d’où elle sortit douchée, coiffée, légèrement maquillée et vêtue d’une robe bain de soleil de couleurs vives rapportée de La Nouvelle-Orléans par Nathaniel. Elle pénétra dans la salle à manger et aperçut sa fille sautant comme une athlète olympique. Florence lui avait acheté un sautoir qu’elle avait fixé au cadre de la porte du salon entre deux haut-parleurs dirigés vers elle, véritable corps de garde. Florence faisait jouer de la musique rock, dont les basses, lui avait-on dit, pouvaient être perçues par Agnès. Cette dernière tourna enfin les yeux et vit sa mère. Elle agita frénétiquement les bras, poussant ses cris gutturaux qui, Élisabeth l’aurait juré, étaient plus aigus. Devant Florence qui ne cessait de sourire, elle se dirigea vers sa fille qu’elle prit dans ses bras malgré les courroies du sautoir.
    – Je t’ai vue, ma coquine. Tu suivais le rythme et je t’ai vue. Si tu n’entends pas la musique, tu en reconnais les vibrations, foi de Pawulska. Tu as vu, Jan? Elle suivait le rythme.
    Jan lui fit un sourire entendu, priant pour que sa sœur ne soit pas victime d’une hallucination, ou, pire, d’un illusoire espoir.
    Nathaniel aperçut Élisabeth faisant les cent pas devant la maison avec Agnès dans les bras. Il avait appris le matin même, en téléphonant à Jan pour prendre des nouvelles, qu’elle semblait survivre au chagrin et qu’elle faisait déjà des tas de projets pour eux et pour Agnès.
    «Elle va mieux?
    – Elle va comme à sa sortie de l’hôpital avec Agnès.»
    Nathaniel avait raccroché, reconnaissant. Jamais sa femme ne réussirait à lui faire croire que la vie pouvait être méchante et rancunière. Il était à peine sorti du taxi qui l’avait ramené à la maison que déjà il avait sa fille dans les bras. Élisabeth ne cessait de babiller, lui racontant qu’ils devaient se hâter puisqu’ils avaient rendez-vous chez un audiologiste. Il se précipita dans l’escalier pour aller déposer ses effets, enfila une chemise dans laquelle il n’avait pas transpiré, sortit de sa valise la surprise rapportée pour Agnès et alla les retrouver au pas de course. Élisabeth avait assis Agnès dans le landau et il se pencha pour admirer sa fille, qui était habillée d’une barboteuse bleu pâle à pastilles marine et avait la tête couverte d’un petit chapeau pour la protéger du soleil. Il secoua doucement le landau et elle tendit les bras pour qu’il la prenne. Il n’en fit rien, mais s’empressa de lui montrer, avant de le

Weitere Kostenlose Bücher