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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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rien faire, ne sachant comment elle allait éponger la colère de Jerzy. Parce que colère il y aurait, elle en était sûre. Stanislas, lui, avait tout organisé pour qu’elle puisse faire partie du groupe, convainquant ses amis que c’était elle la plus connue des quatre et que, grâce à cela, ils feraient certainement une émission de télévision. Il avait même prédit qu’elle ferait d’eux des vedettes presque aussi populaires que les Beach Boys. Il avait assisté à plusieurs répétitions et sa sœur l’avait terriblement impressionné, surtout lorsqu’elle se promenait d’un côté à l’autre de la scène en se penchant pour donner l’impression qu’elle chantait vraiment pour chacune des personnes se trouvant devant elle. Il ne pouvait que la comparer à Florence. L’une tenait son violon comme une petite chose qu’il fallait protéger, l’autre agrippait le micro comme si elle voulait le croquer. L’une se tenait gracieusementcomme une madone, l’autre faisait quelques petits déhanchements étonnamment rythmés. L’une avait les cheveux sagement placés, l’autre essayait de les ébouriffer le plus possible, les faisant tenir comme des piquets avec une laque malodorante. Mais il était inquiet. Il connaissait si bien son père qu’il savait que Sophie ne pourrait jamais partir pour Montréal. Jamais. Sa punition serait gigantesque. Stanislas était certain qu’ils auraient tous droit à une colère homérique. Mémorable.
    Sophie sortit de la maison avec tellement de désinvolture qu’Anna se demanda comment elle faisait pour cacher sa crainte. Anna savait qu’elle était complètement timorée, convaincue de jouer sa vie.
    – Tu ne comprends pas,
mamusia
. Si papa n’aime pas ça, il va mettre fin à mes cours de chant. Si le public n’aime pas ça...
    – Le public? Mais voyons, Sophie. Ce ne sera pas un public. Ce sont tes camarades et leurs parents.
    – Pas pour moi,
mama
. C’est toute ma carrière qui commence ce soir.
    – On ne joue pas une carrière à douze ans, Sophie.
    – Quel âge avait mon oncle Jan quand il s’occupait de toute sa famille?
    – C’était la guerre...
    – Dans tous les magazines que je lis, on dit que le show-business c’est la jungle. C’est pas mieux.
    Anna avait cessé de parler, dépassée par les propos de sa fille. Elle se surprit à regretter ses nattes et son petit chemisier jaune pâle. Elle se prit même à en vouloir au mois de mai qui avait rougi ses sous-vêtements.Elle la regarda discrètement par la fenêtre, étonnée de ne pas la voir sautiller. Stanislas partit quinze minutes plus tard, trimballant dans ses poches du rouge à lèvres et de la poudre de khôl. Quant aux vêtements de scène, ils les avaient apportés un à un dans leur cartable.
    Anna enfila un petit pull de coton et une jupe peutêtre un peu trop longue pour être parfaitement à la mode. Si elle avait eu de jolies chaussures, elle aurait certainement pu créer une autre impression, mais elle avait décidément l’air d’une femme de la campagne. Elle se regarda dans la glace et ressentit un petit pincement au cœur. Elle ne ressemblait en rien à la jeune fille qui était montée dans le train pour aller à la rencontre d’une cousine éloignée. Non. Le soleil, le vent et le travail avaient érodé son rêve de quitter la maison paternelle pour aller s’installer dans la grande ville.
    Jerzy entra à son tour dans la chambre, enleva sa chemise et la lança dans le panier à lessive, puis se laissa tomber sur le lit en poussant un profond soupir. Il ne bougea plus.
    – Il faudrait t’habiller, Jerzy. Nous allons être en retard.
    – Je pense, Anna, que je préfère dormir. Je n’ai jamais été aussi éreinté de ma vie. J’ai le dos en bouillie et ma maudite jambe me torture.
    Anna se sentit défaillir. Elle en voulait à Sophie de les avoir forcés à la complicité, condamnés au mensonge et au silence. Il était impossible que Jerzy n’assistât pas au spectacle et il n’était pas question qu’elle trahisse sa fille. Elle avait trois secondes pourtrouver un argument massue, fût-il malhonnête, pour traîner son mari à la salle municipale.
    – Je te l’avais dit, aussi, qu’on avait suffisamment de terre et que ça allait être un fardeau d’acheter celle de...
    – Tu as raison. Il faut que je sois là. Sophie et Stanislas sont dans le comité organisateur, non?
    Jerzy bondit littéralement hors du lit. Anna eut une soudaine envie

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