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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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partit presque en courant derrière eux, le violon toujours serré contre sa poitrine.
    Jan étendit Élisabeth sur la banquette arrière et il allait démarrer quand il prit conscience que Florence était assise derrière lui sur le plancher, caressant la cuisse d’Élisabeth. Il lui demanda de sortir, mais elle ne bougea pas. Il ouvrit alors la radio et ils entendirent les applaudissements des spectateurs.
    – Va, Florence. On doit s’inquiéter de ne pas te voir.
    – Mais non, il n’y a qu’Élisabeth qui aurait pu s’inquiéter. Je n’ai personne pour qui jouer.
    Encore une fois, Florence fit une moue qui lui grêla le menton. Jan sortit du véhicule et alla lui ouvrir la portière. Elle comprit qu’il avait une détermination supérieure à la sienne, caressa une dernière fois la cuisse d’Élisabeth et capitula. Il l’attira à l’écart.
    – Je t’expliquerai, mais, si j’ai bien compris, Élisabeth a rencontré la femme de Denis.
    – Encore? Ce n’est pas la première fois que…
    – Et elle est enceinte.
    Florence reçut la nouvelle comme une gifle. Elle avait toujours su que Denis était marié, mais elle avait sincèrement cru qu’il n’aimait qu’Élisabeth.
    – Je crois qu’elle aurait besoin d’entendre le violon de ma mère.
    Florence entra en scène les cheveux ébouriffés, le cœur suivant encore les feux arrière de l’automobile de Jan, parti avec une Élisabeth disloquée sur la banquette. La salle se fit silencieuse et son accompagnateur attendit qu’elle lui demande de jouer les premières mesures. Quelques toussotements se firent entendre. Elle vit les yeux inquiets et interrogateurs du pianiste, et, se rappelant que Jan avait ouvert la radio, elle se ressaisit. Elle ferma les yeux, eut connaissance qu’ils étaient encore humides, serra les mâchoires et fit un petit signe qui sembla électriser le pianiste. Elle avait déjà attaqué les premières mesures de la pièce de Prévost quand elle s’aperçut qu’elle n’avait pas apporté la partition. Elle en aurait souri si elle l’avait pu, mais sa mentonnière et son chagrin l’en empêchèrent. Mozart fut bientôt à ses côtés et elle laissa glisser l’archet de cette façon qui lui était propre, donnant l’impression qu’il s’éternisait sur les cordes. Elle ne sut où s’étaient envolées les notes du concerto, mais la dernière s’était assoupie devant une salle hypnotisée qui mit près de cinq secondes avant d’applaudir. Peu de temps après, elle se prit d’aversion pour sa sonate de Bartók, envoulant à celui-ci d’avoir pu écrire une belle musique pour un Barbe-Bleue qu’elle voyait ce soir-là sous les traits de Denis. Même si elle ne jouait pas cette pièce, savoir qu’elle jouait du Bartók lui suffisait pour attiser son mépris. Elle butina ensuite sa sonate d’Elwell comme s’il lui avait ouvert la clôture d’un pré piqué de pâquerettes et elle crut entendre les spectateurs bourdonner à ses côtés. Arriva enfin la dernière pièce, la
Polonaise
brillante de Wieniawski. Elle se figea, cherchant comment elle pourrait parler à sa Polonaise alors qu’elle la savait recroquevillée sur sa douleur. Elle leva les yeux et essaya de percer l’obscurité de la salle pour trouver la tête de Denis, mais elle ne vit que le noir de la solitude que devait vivre Élisabeth. Elle approcha alors le violon de son visage, ferma les yeux et souffla doucement dans l’ouïe, demandant à Zofia de prendre la relève parce qu’elle n’avait plus de force. Elle se cala contre la mentonnière et vit son bras se lever pour appuyer l’archet contre les cordes. Elle savait qu’elle devait bientôt attaquer sa première mesure, mais elle était enivrée par le piano. Alors, elle comprit. Zofia était venue l’accompagner. D’un coup d’archet, elle lui emboîta le pas, lui racontant le chagrin d’Élisabeth et son incapacité de la consoler, le grand amour de sa fille pour Denis et la triste fin qu’il venait de connaître. Elle n’eut pas conscience qu’elle jouait en versant des larmes qui tombaient sans retenue tantôt sur son épaule, tantôt sur le violon. Mais le public vit luire ces perles d’émotion et retint son souffle devant la
Polonaise
. Zofia disparut à la dernière mesure et Florence ferma les yeux pour la remercier. Elle sortit de scène sans entendre le silence de l’assistance, qui retenait encore son souffle de crainte d’éteindre laflamme que Florence avait

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