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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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bras, en larmes.
    – Oh! Monsieur Aucoin! Où est Élisabeth? Je l’attends depuis sept heures et elle n’est même pas venue me souhaiter bonne chance.
    Jan sentit une peur visqueuse lui engluer la poitrine. Une chose terrible venait certainement de se produire pour qu’Élisabeth ait été empêchée d’exorciser le trac de Florence. Sans se concerter, le regard inquiet, ils tournèrent tous les deux sur eux-mêmes, la cherchant des yeux. De la salle leur parvinrent les sons du concurrent précédant Florence, attaquant la pièce imposée. Florence, qui s’était promis de l’écouter religieusement, ne l’entendit pas, et elle et Jan se regardèrent, presque paniqués. Voyant l’affolement de Florence, Jan s’exhorta au calme, pour la rassurer, certes, mais aussi pour se laisser le temps de s’illusionner quant à l’état de sa sœur. Florence poussa la porte des toilettes des dames, qu’elle parcourut en un clin d’œil en se penchant pour regarder sous les box. Elle ne vit qu’une vieille paire de chaussures lacées – des chaussures de religieuse, se dit-elle – et retourna, de plus en plus inquiète, rejoindre Jan. Aussitôt qu’il comprit qu’elle n’avait pas vu Élisabeth, il se dirigea vers la porte. Ils sortirent et frissonnèrent malgré la brise tiède de ce début de juin. Florence le suivant comme une ombre, Jan s’avança, agité et erratique tel un oiseau cherchant à becqueter un papillon en plein vol. Il alla même regarder derrière les arbres, comme si Élisabeth avait pu s’amuser à jouer à cache-cache. Puis Florence et lui se dirigèrent vers les bancs placés en bordure de l’étang, alors que leur parvenaient de la salle de concert les premières mesures du
Concerto en la majeur
K. 219 de Mozart.
    Ils ne distinguèrent d’abord qu’une forme grise, recroquevillée, et ne la reconnurent pas. Ils s’en approchèrent pourtant et un rayon de lune réussit à se faufiler sous un nuage pour l’éclairer. Florence demeura béatetandis que Jan s’agenouilla doucement devant sa sœur qui avait retrouvé son regard de guerre, celui qui ne fixait que le vide et la tristesse, les malheurs et les deuils. Florence demeura à l’écart, écrasant le violon contre sa poitrine et sanglotant silencieusement en se mordant les lèvres. Jan s’approcha d’Élisabeth comme s’il avait réussi à l’apprivoiser et s’assit à ses côtés, lui peignant les cheveux de ses doigts écartés et raides, muet. Élisabeth ne le regarda pas et Jan comprit qu’elle fixait une détresse telle qu’elle en avait perdu conscience. Il demeura coi, incapable de retrouver les mots qui lui étaient venus si facilement dans les montagnes et dans le camp de réfugiés en Allemagne, alors qu’il ne connaissait que la survie.
    Au son de la suite
Impression d’enfance
d’Enesco, Florence sortit de sa torpeur et s’approcha de son amie.
    – Élisabeth, j’ai besoin de toi.
    Élisabeth ne broncha pas, occupée à fouiller le néant de ses yeux bleus et aqueux. Jan se releva tranquillement.
    – Hâte-toi, Florence. Tu dois être dans les coulisses dans moins d’une demi-heure. Je m’occupe de ma sœur.
    – Je ne pourrai pas jouer, monsieur Aucoin.
    Jan la regarda et fut déchiqueté par sa fragilité. Elle tenait contre sa poitrine tout le pouvoir de guérison d’Élisabeth. Il lui prit le violon des mains, sans la brusquer, et le posa près de sa sœur, qui ne broncha pas. Puis il invita Florence à en jouer, mais elle en fut incapable, paralysée. Elle le redéposa, dénoua la boucle blanc et rouge qu’elle avait mise à son poignet comme porte-bonheur et l’attacha à celui d’Élisabeth, qui sortitfaiblement de son abattement, tourna la tête vers son frère et parut le poignarder par son chuchotement.
    – C’est Denis?
    Florence avait parlé d’une voix étonnamment assurée. Jan lui fit un signe d’assentiment tout en soutenant Élisabeth qui se laissait reglisser dans les limbes.
    – Mais dites-moi quelque chose, monsieur Aucoin. Est-ce que Denis a eu un accident?
    Jan eut un geste d’impatience, se demandant quel âge aurait dû avoir Florence pour comprendre qu’il lui fallait se taire devant sa sœur. Il ne répondit rien, mais, dès qu’il eut soulevé Élisabeth pour la porter jusqu’à la voiture, il lui parla sur ce ton qui l’avait souventes fois calmée et rassurée. Florence les suivit, s’arrêta, regarda l’édifice du Plateau, fit une moue de regret, puis

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