L'envol du faucon
discuter. Il surveilla le sentier qui menait à sa maison. Aucun signe de mouvement. Weltden était-il délibérément en retard ? Ou avait-il décidé de ne pas venir du tout ?
Le soleil se couchait vite et bientôt White ne distingua plus le chemin dans la colline. Furieux, il lâcha un juron et retourna dans son bureau pour ruminer une fois de plus ses projets. Il allait peut-être devoir les modifier à nouveau.
Le bateau de tête ralentit son allure et le pilote se leva en clignant des yeux. Puis il leva un bras en l'air. Le long cortège s'arrêta.
Le pilote continuait à regarder fixement devant lui. Une grosse corde de chanvre barrait le fleuve : elle était attachée au tronc épais de banians sur chacune des deux rives. De part et d'autre, il y avait ce qui semblait être des postes de sentinelles. Le bateau de Phaulkon vint se ranger près du bateau de tête. « Que se passe-t-il ? demanda-t-il.
— Puissant Seigneur, moi, un simple cheveu, je n'en suis pas sûr. On dirait une sorte de poste de contrôle. »
A cet instant précis, la vague silhouette d'un soldat sortit de l'une des cabanes et cria quelque chose. Mais les mots étaient indistincts.
« Vous feriez mieux d'aller voir, dit Phaulkon à l'officier. Mais, soyez prudent. Evitez de révéler mon identité.
— Puissant Seigneur, je reçois vos ordres. » Le bateau de tête s'éloigna.
Phaulkon attendit en silence. Ivatt était assis à son côté. Deux rameurs tâchaient de maintenir le bateau sur place tandis que deux autres étaient prosternés devant le puissant Pra Klang.
Quelques minutes plus tard, le bateau de tête revint.
« Eh bien ?
— Puissant Seigneur, ils disent que le fleuve est coupé. Nous devons rebrousser chemin.
— Coupé ? Ont-ils donné une raison ?
— Puissant Seigneur, non.
— Vous n'avez pas demandé pourquoi ?
— Puissant Seigneur, moi, un simple cheveu, c'est ce que j'ai fait. Ils m'ont répondu de retourner d'où je venais.
— Ont-ils demandé qui vous étiez ?
— Puissant Seigneur, oui. Moi, la poussière de vos pieds, j'ai répondu que nous étions des marchands d'Ayuthia.
— Ils étaient combien ?
— Puissant Seigneur, moi, un simple cheveu, j'ai compté une douzaine d'hommes rien que de ce côté du fleuve. Ils étaient tous armés. J'ai vu deux ou trois armes à feu et beaucoup de harpons et d epées.
— Vous ont-ils menacé ?
— Puissant Seigneur, pas vraiment. Mais j'ai senti qu'ils l'auraient fait si je leur avais désobéi.
— Très bien. Nous allons essayer un autre stratagème, Thomas, dit-il en se tournant vers Ivatt. Est-ce que tu as ton chapeau officiel ?
— Je ne me déplace jamais sans mon cône, lança Ivatt d'un air malicieux. Il insuffle la crainte de Dieu à la plupart des créatures vivantes, y compris quelquefois aux animaux.
— Espérons que ses pouvoirs sont intacts. Mets-le et va dans le bateau de tête. Précise à cette sentinelle que tu es un mandarin d'Ayuthia en mission royale à Golconde. Tu dois être autorisé à passer.
— Et s'il refuse ?
— Dis-lui qu'il devra en répondre devant le Seigneur de la Vie et qu'il ferait mieux d'y regarder à deux fois.
— Et s'il répond toujours non ?
— Reviens ici et nous enverrons les soldats s'occuper de lui. »
Ivatt fut absent un bon moment ; ils le voyaient au loin parlementer avec les sentinelles. Il finit par revenir, le visage sombre.
« Tes pouvoirs de persuasion perdraient-ils de leur force, Thomas ? Que s'est-il passé ?
— J'ai failli en venir à bout, Constant. En tout cas, je l'ai vraiment inquiété. Mais il a déclaré qu'il avait des ordres officiels du Conseil de Tenasserim de ne laisser passer personne dans les deux sens. On lui a dit qu'il ne devait y avoir aucune exception, mais étant donné mon rang élevé, il va envoyer quelqu'un demander une autorisation spéciale au Conseil. Il a demandé si j'avais un document officiel quelconque pour prouver ma mission. J'ai répondu que j'allais le chercher.
— Impossible, répliqua Phaulkon. Nous ne voulons pas attirer si tôt l'attention du Conseil sur notre arrivée. »
Phaulkon réfléchit. Il envoya chercher Vitoon, son capitaine le plus expérimenté. Quelques instants plus tard, une vingtaine de pirogues transportant cent combattants d'élite se dirigeaient vers le poste de contrôle. Cent trente autres bateaux avec à leur bord six cents hommes suivaient lentement à distance, mais en faisant toutefois sentir
Weitere Kostenlose Bücher