L'envol du faucon
repoussée d'une journée. Il s'habilla rapidement, résolu à trouver White. Il était en train de mettre ses chaussures quand il entendit frapper un coup à la porte : le maître du port, le regard trouble, se tenait devant lui.
Ce même après-midi, vers 4 heures, dans le camp aux alentours de Tenasserim, Phaulkon préparait son départ pour Mergui. Davenport avait dormi jusqu'à midi passé et paraissait en bien meilleure forme. Ses joues pâles avaient retrouvé quelques couleurs et ses yeux gris quelque vivacité. Pendant ce temps, Ivatt faisait une dernière tentative pour dissuader Phaulkon de partir.
« Encore deux jours, Constant. Si les éléphants ne sont pas arrivés d'ici là, tu peux y aller et je ne dirai plus un mot.
— Non, Thomas, ma décision est prise.
— Si tu ne veux pas écouter la voix de la raison, laisse-moi au moins t'accompagner. Je connais bien Mergui.
— C'est précisément pour cette raison que je veux que tu y conduises l'armée. En outre, Thomas, ajouta-t-il avec un large sourire, qui s'occuperait de Sunida s'il m'arrivait quelque chose ?
— C'est un argument déloyal, Constant. Je suis vraiment déchiré.
— Tu vois, Thomas, ma mort aurait aussi son bon côté. Mais je suis sérieux, tu sais. S'il m'arrivait quoi que ce soit, je veux que tu t'occupes de Sunida. Et je veux aussi que tu veilles à ce que Maria parte pour la France dès la naissance de notre enfant. Je ne voudrais pas laisser à mes ennemis la possibilité de la faire souffrir à cause de moi. Si Sa Majesté faisait une rechute, elle serait particulièrement vulnérable. »
Ivatt était pensif. « Tu sais que j'exécuterai tes ordres à la lettre, Constant. Mais tu verras que ce ne sera pas nécessaire, ajouta-t-il d'un air plus animé. Dis-moi plutôt combien de temps je devrai attendre ces maudits éléphants ? Et s'ils se plaisaient dans la jungle et décidaient de s'y installer ? »
Phaulkon rit. « Trois jours au maximum, Thomas. S'ils n'ont pas fait leur apparition d'ici là, conduis les soldats à Mergui. Je pars seulement en mission de reconnaissance. Si je découvre là-bas que la situation est calme, il se peut même que je revienne pour prendre moi-même la tête de l'armée. Mergui n'est qu'à sept heures de route en amont. De toute façon, je t'enverrai un message dès mon arrivée. En attendant, ne bouge pas d'ici. C'est un endroit bien dissimulé. Tu devrais envoyer régulièrement des éclai-reurs pour guetter les éléphants. Il ne devrait pas être difficile de repérer deux cent cinquante éléphants émergeant de la jungle.
— Je ferai de mon mieux pour les reconnaître. »
Phaulkon donna une dernière tape dans le dos
d'Ivatt et appela Vitoon. Puis, avec vingt de ses meilleurs hommes, Davenport et lui s'embarquèrent sur six pirogues rapides. Il restait environ une heure avant la tombée de la nuit. Le groupe devait atteindre Mergui vers 10 heures du soir.
Une heure avant le coucher du soleil, cet après-midi-là, White et Weltden soignaient toujours leur mal de tête dans la cabine du capitaine. Us avaient une nouvelle fois passé en revue les détails de leur accord et avaient été tous deux soulagés de découvrir que leurs souvenirs du pacte conclu la nuit précédente étaient dans l'ensemble exacts. Etant donné l'état nauséeux de White, il fut convenu qu'il convoquerait le conseil des Cinq le lendemain matin à la première heure. On dépêcherait ce soir même des messagers aux domiciles des membres du conseil requérant leur présence à la résidence du Shahbandar pour 7 heures du matin au plus tard. Rien d'étrange à cela. Sous le climat étouffant des tropiques, on organisait souvent les réunions tôt le matin.
Pendant que Weltden préviendrait le conseil de l'imminence d'une attaque française, cinquante des hommes de Weltden se tiendraient prêts à occuper les palanques qui avaient été presque entièrement reconstruites ces derniers jours. Cinquante autres resteraient à bord du Curtana pour servir les canons qui seraient braqués sur le port en cas de trouble. Une fois établie la certitude que la prise de Mergui serait pacifique, White serait autorisé à partir. Le document, préparé par Yale, lui assurant un sauf-conduit jusqu'en Angleterre et l'immunité contre toute poursuite une fois arrivé là-bas lui serait remis en échange de 250 000 livres en or ou de quelque autre denrée négociable.
Les deux hommes convinrent ensuite qu'il serait de
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