L'envol du faucon
Un sourire nonchalant révéla ses belles dents blanches, ce qui avait le don de mettre Davenport en fureur. Avec sa beauté blonde et son attitude insouciante, l'Anglais représentait tout ce que Davenport méprisait — et tout ce qu'il ne serait jamais.
Il s'inclina et sortit de la pièce en silence.
Quelques instants plus tard, une grande Birmane à la peau brune et douce et aux cheveux noirs et raides se glissa sans bruit sur la véranda et s'accroupit tranquillement au côté de White qui la regarda plein d'espoir. Elle lui sourit d'un air entendu. D'un geste adroit, elle fit glisser son écharpe de son épaule pour révéler deux seins parfaitement formés. Les bouts en étaient sombres sur sa peau brillante, et il en caressa un doucement jusqu'à ce qu'il le sentît durcir sous ses doigts.
« Nuat », dit-il en souriant. « Massage » avait été l'un des premiers mots siamois qu'il se fût donné la peine d'apprendre. Elle le prit par le bras et l'allongea doucement sur quelques coussins à même le sol de la véranda. Elle commença à le déshabiller. Un treillis de bambou protégeait leur tête du soleil, mais les côtés étaient ouverts et une brise bienvenue venait les rafraîchir. Il aimait la caresse du vent chaud sur son corps nu. Une balustrade en bambou courait autour de la véranda mais n'obstruait pas la vue.
Lentement, sensuellement, elle se mit à le masser, ses longs doigts fins pétrissant ses articulations et ses muscles et exerçant juste ce qu'il fallait de pression. Son toucher était ferme, juste en dessous du seuil de la douleur, mais suffisamment érotique pour faire vibrer tout son corps. Quand ses mains expertes descendirent vers son ventre, il sentit croître son excitation, et elle sourit en lui décochant un regard plein de compréhension féminine.
Il la fixait comme un enfant, stupéfait comme toujours de la texture soyeuse de sa peau et des courbes gracieuses de son corps. Il savait qu'il lui faudrait encore attendre un certain temps pour qu'elle dénoue son panung multicolore et l'enfourche pour lui apporter l'extase finale.
White ferma les yeux, savourant l'instant. Bercé par le rythme parfait des mains de la masseuse, il laissa flotter son esprit. Pendant ces moments de détente, d'inattention, il lui semblait que rien ne pouvait troubler le cours paisible de sa vie.
8
Le père Tachard donna son nom au garde en faction devant la porte et attendit d'être annoncé. Il avait réagi avec des sentiments contradictoires à la nouvelle que le seigneur Phaulkon était chez lui. En effet, s'il avait hâte d'en finir avec cette entrevue, il appréhendait énormément son issue. Comment le Grec allait-il prendre la nouvelle que les troupes commandées par le général Desfarges ne prêteraient pas serment d'allégeance à lui. Phaulkon, mais seulement au roi de Siam ?
Le garde revint, s'inclina bien bas et lui fit signe de le suivre. Une fois de plus, le prêtre se retrouvait dans le cadre imposant du palais de Phaulkon avec sa multitude d'esclaves, dont les devoirs consistaient entre autres à escorter leur éminent maître partout, à annoncer son passage, à lui frayer un chemin et à s'assurer qu'aucune tête étrangère ne dépassât par inadvertance la sienne.
Cette fois, on le fit entrer dans une autre antichambre. Les murs en étaient tendus de tapisseries birmanes représentant des scènes du Râmâyana, la grande épopée hindoue, tandis que des paravents de laque japonaise dépeignaient la vie de courtisanes et les exploits de féroces samouraïs. Aux quatre coins de la pièce, des esclaves prosternés observaient une immobilité de statue. Quand ils entendirent résonner les pas de leur maître dans le couloir, il vit leurs têtes s'enfoncer encore plus dans les épais tapis persans qui recouvraient entièrement le sol de la pièce.
Précédé de deux autres esclaves qui portaient son épée de cérémonie et sa boîte à bétel, Phaulkon entra. Il était revêtu d'une longue robe mauresque, une sorte de cafetan musulman, tenue incongrue pour saluer un jésuite.
« Mon cher Tachard, vous voilà de retour ! » dit-il en souriant. Puis, voyant l'expression du prêtre, il ajouta : « Vous devez excuser ma tenue. Je sors d'un entretien avec deux émissaires de la cour de Perse. Croiriez-vous que le shah Suleiman exhorte ouvertement mon maître à embrasser la religion musulmane ? En prévision de cet heureux jour, les envoyés persans ont offert à Sa Majesté un
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