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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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d’une adorable enfant, qui, par
un charmant contraste, était toute pudeur, grâce et modestie, elle
eût pu se rehausser de cette antithèse même ; la jalousie
affreuse que la passion soudainement déchaînée en elle fit éclore
dans son cerveau fut pour elle le pavé qui fait dévier le char
magnifique lancé sur une route bien droite.
    Cette fête avait été décidée par Imperia le soir même où Bembo
lui avait indiqué le jour du mariage. Elle l’avait organisée en
trois jours. Il lui avait suffi pour cela de dresser un programme
et de donner l’ordre à son intendant de l’exécuter de point en
point.
    Il y avait toute une petite population dans le vaste palais
qu’elle tenait de Jean Davila ; le nombre de ses femmes,
caméristes, suivantes, lectrices, masseuses, femmes de chambre,
s’élevait à quinze. Douze valets chamarrés n’avaient d’autres
fonctions que de parader et de recevoir. Elle avait trois
secrétaires, et sa correspondance était assez volumineuse pour
justifier ce nombre de scribes. Elle entretenait des joueurs de
guitare et des poètes. Nous ne comptons pas les cuisinières, les
lavandières, les barcarols attachés à ses gondoles luxueuses, enfin
tout le menu fretin de la domesticité. Ce monde était gouverné par
un intendant qui, à la mort d’Imperia, se retira, dit-on, avec une
fortune de cent mille ducats d’or.
    Le jour de la fête arrivé, Imperia, suivie de son intendant, fit
le tour de son palais à l’extérieur et à l’intérieur, critiqua
certaines dispositions, fit déplacer une ou deux statues, un ou
deux massifs de fleurs, modifier l’ordonnance des
rafraîchissements, sorbets, confitures et vins, fit placer quelques
tapis, et satisfaite enfin, rentra dans son appartement.
    Elle paraissait nerveuse, riait hors de propos, puis tout à coup
pâlissait ou s’assombrissait sans motif apparent.
    Vers cinq heures elle pénétra dans l’appartement réservé à
Bianca qui, comme on l’a vu, vivait presque en recluse dans le fond
du palais. Cette réclusion s’était même renforcée d’une active
surveillance depuis que Sandrigo avait ramené la jeune fille à sa
mère. Dans les rares promenades qu’elle faisait avec Bianca, la
courtisane se faisait maintenant escorter de valets armés, et elle
ne sortait plus le soir comme jadis.
    C’était donc une fort triste existence que menait Bianca auprès
de sa mère. Cette existence même se trouvait modifiée, et cette
tristesse accrue par le sentiment intime qu’avait la jeune fille
qu’un abîme inconnu venait de la séparer d’Imperia. Autrefois,
c’étaient entre elles deux des effusions de tendresse, de longues
causeries, et Bianca n’avait aucune inquiétude : c’était ce
côté mystérieux de la vie de sa mère qu’elle n’arrivait pas à
éclaircir. Maintenant plus d’effusions, plus de causeries. De plus
en plus, il semblait à Bianca que sa mère s’éloignait d’elle.
    Les apprêts de la fête vinrent surexciter ses sourdes
inquiétudes. Elle entendit les allées et venues ; ses femmes
lui dirent qu’il s’agissait d’une grande surprise qu’on lui
réservait.
    Bianca frémit.
    Pendant ces deux ou trois journées elle ne vit pas sa mère.
    Lorsque Imperia entra dans sa chambre, elle lui vit une
physionomie dure et froide qu’elle ne lui avait jamais vue.
    La jalousie se déchaînait en effet dans le cœur de la
courtisane.
    Elle entra, suivie d’une femme qui portait une cassette.
    « Déposez cela ici, dit Imperia, et allez chercher le
reste. » La femme obéit et revint bientôt, portant une robe de
soie blanche qu’elle déposa sur un canapé ; puis ce fut le
tour des autres menus objets de toilette, écharpe, ceinture,
souliers de soie.
    Bianca considérait ces apprêts avec presque de la terreur. Quand
la femme fut sortie, Imperia appela près d’elle sa fille,
l’embrassa au front, puis ouvrit le coffret.
    Elle en sortit un collier de perles d’une inestimable beauté, un
peigne également orné de perles blanches, et une boucle de ceinture
incrustée de perles. Enfin, une sorte de petite couronne composée
d’un rang de diamants, d’un rang de rubis, le tout surmonté par une
perle monstrueuse.
    « Que dis-tu de ces joyaux, mon enfant ? demanda la
courtisane.
    – Ils sont admirables, ma mère.
    – Ils seront plus admirables encore quand ils seront sur
toi.
    – Sur moi, mère ?…
    – Oui, je veux voir, c’est un caprice ; tu peux bien
me passer un

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