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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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proxénète, des Juifs, marchands
d’or, y discutaient les intérêts du prêt qu’ils consentaient à tel
jeune écervelé : Bartolo écoutait tout ; et bien qu’il
fût borgne, voyait tout.
    C’était donc un redoutable espion. Guido Gennaro en faisait
grand cas, et l’employait en maintes circonstances.
    Bartolo le Borgne s’était arrêté sur le quai, après le départ du
chef de police. Mais il ne songeait guère aux ordres que Guido
Gennaro venait de lui apporter. C’était Scalabrino qui le
préoccupait. Que le chef de police ait vu de ses yeux Scalabrino
vivant, voilà ce qu’il ne pouvait se résigner à croire.
    « Sûrement, il s’est trompé, finit-il par conclure. À moins
qu’il n’ait vu l’ombre de Scalabrino, ce qui est encore bien
possible ! »
    Il faut noter que maître Bartolo ne plaisantait pas, comme on
pourrait le supposer. Après mûres réflexions, certain, d’une part,
qu’un homme comme Gennaro se trompait rarement et, d’autre part,
que Scalabrino pourrissait au fond de sa cave, il admit très
volontiers cette hypothèse que le diable était pour quelque chose
dans cette apparition. Il rentra alors dans l’allée, referma
soigneusement la porte, et pénétra dans son cabaret où il se mit à
compter la recette de la journée – recette fructueuse, selon
l’ordinaire.
    Cette besogne achevée, il pénétra dans l’arrière-salle et
s’arrêta près de la trappe.
    « Est-ce bien possible ? » songea-t-il.
    Il se pencha en frissonnant, comme s’il eût redouté d’entendre
monter jusqu’à lui quelque gémissement.
    Puis il souleva la trappe, la rabattit, se mit à genoux, et
plongea son regard dans le trou noir. Les eaux s’étaient lentement
écoulées.
    Mais il en restait au fond une hauteur de quelques pieds
encore.
    Bartolo se penchait, un peu pâle, cherchait à voir… cherchait le
cadavre… Et comme il ne voyait rien, il se releva, se retourna pour
prendre son flambeau, décidé à descendre.
    À ce moment, il demeura cloué sur place, les yeux agrandis par
l’épouvante, les cheveux hérissés.
    Là, assis dans un angle obscur, assis près d’une table à
laquelle il était accoudé, Scalabrino le regardait !…
    « Je rêve ! murmura le Borgne.
    – Eh bien, fit tranquillement Scalabrino, est-ce ainsi que
tu reçois un ancien ami ?
    – Je vois !… J’entends !… balbutia le cabaretier…
Est-ce bien moi qui suis là ?… Est-ce bien lui qui est devant
moi ?…
    – Je comprendrais, reprit Scalabrino, que tu offres quelque
boisson raffinée, comme il y en a dans tes caves… »
    Il se leva et marcha sur Bartolo.
    Le Borgne reculait à mesure que Scalabrino avançait.
    « Justement, dit celui-ci, la trappe est ouverte… Tu n’as
plus qu’à descendre. Ton excellent compère Sandrigo t’attend
ailleurs et doit s’impatienter… »
    Scalabrino parlait non pas avec ironie, mais d’une voix
grave.
    L’ironie était dans le sens de ses paroles, sans qu’il la
cherchât. Il disait ces choses simplement et sincèrement.
    Bartolo, arrivé au mur, s’y adossa, les mains en avant, comme
pour conjurer un spectre. Scalabrino était près de lui. Le géant
tressaillait. Ses instincts violents se réveillaient. Il tourmenta
un instant le manche de son poignard, avec, dans les yeux, la
vision de Bartolo étendu sanglant à ses pieds.
    Mais il se contint. L’égorgement de cet être vacillant et livide
lui inspira une sorte de répugnance.
    Bartolo, à ce moment, reprit un peu de courage.
    « Si tu veux boire, ami, je suis prêt à te servir,
bégaya-t-il.
    – Bon ! fit Scalabrino avec un terrible éclat de rire,
l’eau du canal ? Merci, merci…
    – Ce n’est pas moi qui t’ai précipité. Je te jure, je ne
voulais pas, c’est Sandrigo ; je lui ai bien dit, va, il n’a
rien voulu entendre ; moi, je ne te veux aucun mal, tu sais
bien, voyons…
    – Moi non plus, dit Scalabrino.
    – Alors… que veux-tu ?… Qu’es-tu venu faire
ici ?
    – Je suis venu te tuer, Bartolo.
    – Non, tu ne feras pas cela, allons, tu plaisantes… Diable
de Scalabrino, tes plaisanteries ont toujours été un peu tristes…
Me tuer ! Moi qui ne t’ai rien fait ! Moi qui parlais de
toi tout à l’heure encore !
    – Pauvre Bartolo, comme tu as peur de la
mort ! »
    Le cabaretier, en effet, claquait des dents ; une abondante
sueur ruisselait sur son visage blême.
    « Tu me fais pitié, reprit Scalabrino.
    – Oui, oui, je sais

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