Les Amazones de la République
lâimpeccable pli de son pantalon, y « apparut », le 13 mai 1974, avec grandiloquence.
Le « style Giscard » ! Il enthousiasmait les Français, lesquels se disaient que cet homme au regard de séducteur, qui semblait humer en ce matin de printemps cet air chargé dâhistoire, ne devait pas être insensible au doux pollen féminin⦠Or cet homme qui ne sâest jamais relevé dâavoir été brillant à 20 ans et dâavoir fait lâobjet très tôt dâune adoration absolue se crut appelé à éblouir le monde et les femmes, comme papa et maman.
Et le lendemain matin, la France fut servie : elle découvrit, en effet, dans les colonnes de LâExpress , une toute première série de photos du nouveau locataire de lâÃlysée, prises le jour même de lâélection présidentielle dans ses appartements de lâaile Richelieu au Louvre, où était installé, à lâépoque, le ministère des Finances, dont VGE avait alors le portefeuille. Ces clichés en noir et blanc montraient un Giscard, le front bulbeux, aussi lisse quâune boule dâescalier et le port altier, tranquillement assis devant un écran de télévision. à son air détaché et décontracté, dâune impassible méticulosité dans la posture travaillée, on devinait un homme en altitude, assuré de sa supériorité. Et à qui lâon venait, à lâévidence, de communiquer de toutes premières estimations : son viatique en poche, VGE semblait chuinter intérieurement face à lâobjectif. Chez cet homme aux jouissances contrôlées, lâexpression de lâorgasme le plus intense.
Cette série de clichés a une histoire. Car, ce 19 mai 1974, câest une journaliste-photographe, alors inconnue, Marie-Laure de Decker qui immortalisa la scène dans ses appartements de la rue de Rivoli. Ãtalées à même la moquette du bureau de Françoise Giroud, à LâExpress , ces photos passaient de main en main.
Or, lâune dâentre elles laissa en arrêt la patronne de lâhebdomadaire. Regard de braise et silhouette exaltante, une jolie femme posait assise, nonchalamment, sur lâun des coins du bureau de celui qui sâapprêtait à endosser les habits de président de la République. Et cette jolie brune, très à son aise dans les meubles de VGE, nâétait autre que la photographe elle-même. Aucune trace, nulle part, dans cette pile de photos, de lâépouse et future première dame. Seul le fessier de cette belle inconnue posé sur le rebord de lâauguste bureau : une photo qui fit lâeffet dâune bombe à LâExpress , où elle fut largement commentée. Et pieusement conservéeâ¦
Au printemps 1975, la hardiesse du reporter-photographe, et peut-être plus probablement son statut de familière du président Giscard dâEstaing, décida Marie-Laure de Decker à rejoindre au Tchad lâethnologue Françoise Claustre, retenue dans une oasis inaccessible par les rebelles toubous de Goukouni Weddeye.
Prisonnière à son tour, mais retenue avec infiniment plus dâégards, elle fixa sur sa pellicule des paysages, des silhouettes aussi, ainsi que des visages de ses ravisseurs. Valéry Giscard dâEstaing prit à lâépoque contact avec Hissène Habré, afin de sortir sa jeune protégée de ce guêpier tchadien. Indiscutablement, cette journaliste et photographe nâen aurait pas réchappé si cette figure de la rébellion de cet Ãtat dâAfrique noire nâavait pas compris quâil avait entre ses mains la favorite et accroche-cÅur du moment dâun président français. Lequel lâavait conjuré de la lui rendre dâune voix nasillant.
Belle comme un astre, cette jeune femme fut bien plus quâun objet de distraction pour VGE. Bien mieux quâune courtisane de passage, dont il aurait admis la dérisoire présence. Doté dâun patronyme pourvu dâune particule â ce qui, chez Giscard, avait déjà son importance â, Marie-Laure de Decker méritait dâêtre fréquentée. Et plus encore, aimée. Si bien quâelle eut quelques influences auprès de celui qui lâécoutait et qui accéda à certaines de ses demandes.
Weitere Kostenlose Bücher