Les Amazones de la République
journaliste reste le meilleur ami de lâhomme politique. Parce quâelle est dans le métier et quâelle le regarde, lâobserve, le côtoie et souvent le cajole, il lâadmire. Elle est à la fois son premier auditeur, sa première lectrice, sa maîtresse, sa compagne, sa psychothérapeute, sa nourrice et confidente. » Et, le cas échéant, un antidépresseur : la béquille et le réconfort de ses nuits.
Tous les cinq ans, le locataire de lâÃlysée ou les prétendants à sa succession se tournent vers lâopinion, afin de lui poser cette question qui les taraude : Est-ce que vous avez envie de moi ? Et, comme sâil sâagissait dâun miroir, tous les prétendants se retournent vers celles chez qui ils vont chercher une validation. Miroir, mon beau miroir⦠Lâhomme politique guette ainsi en permanence dans le regard des autres le reflet de sa démarche.
Or, la seule qui puisse lui dire : « Tu es beau et tu es bon ! », câest Elle, la journaliste politique. à la fois source dâinformation intarissable et première vigie. Sillonnant le sérail, à lâécoute des uns et des autres, dînant et déjeunant avec le Tout-Paris, elle amasse, collecte, distille et recycle une masse dâinformations, dont lâhomme politique se nourrit. On la sonne, elle accourt. Et elle lui dit tout ce que pas un parmi ses conseillers et courtisans â des soutiens en trompe lâÅil â nâose lui avouer : les pièges, les philippiques assassines de ses ennemis, comme de ses amis. La solitude du politique et ses rythmes de damné⦠Combien de femmes journalistes ont vécu ces scènes qui voient des candidats en campagne, à la voix rouillée et au teint blême, rentrer fourbus au milieu de la nuit, au terme de meetings enivrants et éreintants. « Il régnait dans les voitures aux sièges en cuir capitonnés, qui roulaient à tombeau ouvert vers Paris, des ambiances orgasmiques », se souvient lâune de ces plumes, Ghislaine Ottenheimer. Laquelle fit un jour le trajet en compagnie de lâun dâentre eux et pas des moindres : « Lâadrénaline de ces salles de militants enflammés étant retombée, lâhomme lâchait prise et se déboutonnait intérieurement. Et il sâen fallait parfois de peu pour que tout sâemballe. » Câest de Jacques Chirac, dont il était ici question.
Et rien nâa changé. Dans les rédactions de France et de Navarre, on continue à penser quâune jolie femme munie dâune carte de presse est sans doute bien plus efficace, sur le terrain et dans les coursives de la politique, quâun confrère masculin. Est-ce la raison pour laquelle le monde du journalisme politique sâest largement féminisé depuis quarante ans ? Génération après génération, on a vu éclore dans les rédactions de presse écrite ou audiovisuelle, un cheptel de jeunes reporters dont certaines ont très vite eu pignon sur le Paf : de Christine Ockrent à Béatrice Schönberg, dâAnne Sinclair à Ruth Elkrief ou encore de Laurence Ferrari à Anne-Sophie Lapix. Câest ainsi que cette idée, mûrie un jour dans lâesprit de Françoise Giroud, a fait des émules, jusquâà perdurer jusquâà aujourdâhui. Il nâest de voir, encore une fois, le nombre de journalistes politiques femmes qui composent ce métier. Et, malgré le soupçon lancinant de collusion, ces mÅurs du microcosme sont désormais constitutives du paysage médiatique. Jusque dans ses alcôves.
Chapitre 3
Et Giscard apparutâ¦
Dès que Valéry Giscard dâEstaing apparut avec sa silhouette de gravure de mode, ce 19 mai 1974, escaladant dâun pas élancé les marches du perron de lâÃlysée, la France se dit quâelle tenait là son « Beau Brummell ». Et la presse à grands tirages, peut-être un sex-symbol. Le front bulbeux, la taille mince et le ventre plat, Giscard tranchait avec lâembonpoint paysan de son prédécesseur, Georges Pompidou. Si certains parmi les locataires du Palais, tout juste élus, étaient simplement « entrés » dans ce lieu, VGE, lui, pétri dâune élégance sur mesure, les genoux sciés par
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