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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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l’Océan et quelques dizaines de kilomètres de Biarritz, que se niche Latche, le refuge mythique de François Mitterrand.
    Cette maison traditionnelle en colombage accueillit des années durant une foule composite, où se mêlèrent des fidèles de la première heure, des dignitaires de tout acabit et une légion de courtisans. Si un nombre incalculable d’oblats de l’ancien président disparu ne sont jamais parvenus à approcher ce « carré VIP » de la mitterrandie, certaines journalistes en eurent les honneurs, avec une facilité déconcertante. La raison en était simple : repérées, évaluées, cataloguées et prêtes-à-consommer, elles étaient conviées à rejoindre son refuge, le temps d’un week-end. À l’étal devant lui, il goûtait les unes et les autres, les préférant à l’âge docile.
    Et, chaque fois, ce même rituel millimétré, comme s’en souvient l’une d’entre elles, journaliste à TF1 dans les années quatre-vingt. Le samedi matin, à l’heure du petit déjeuner, François Mitterrand levait les yeux de son journal et se tournait à un instant donné du repas vers Jean, le professeur de gymnastique et amant – pour tout dire attitré – de Danielle Mitterrand : « J’ai une amie journaliste qui arrive tout à l’heure par l’avion de Paris de 10 heures. Auriez-vous l’amabilité d’aller la chercher à l’aéroport ? » Se souciant de la présence de Danielle comme de sa première maîtresse, François Mitterrand avait prononcé ces mots comme l’on demande à un domestique de ne pas oublier une tâche ménagère. Le dénommé Jean s’exécutait alors. Et ramenait la jeune femme pour le déjeuner.
    Danielle l’accueillait, ainsi que les autres invités présents. Et l’on passait à table. François Mitterrand, qui l’installait en général loin de lui, ne lui adressait pas un mot, même si son regard – ou ciseau –, découpait discrètement sa silhouette. Feignant ostensiblement de l’ignorer, il échangeait avec ceux qui avaient de longue date leur rond de serviette à sa table – de Roger Hanin et son épouse, Christine Gouze-Rénal, à Jack Lang, en passant par Georges Fillioud ou Roland Dumas. François Mitterrand, qui vaticinait devant des convives le plus souvent condamnés à la réserve, tétanisait généralement les nouveaux venus : chacun savait qu’une remarque malencontreuse ou qu’une critique malvenue pouvait entraîner sa disparition de la liste des happy few . Sauf à être éblouissant et à enluminer la conversation, mieux valait rester coi et conserver une oreille pieuse. Désarçonné d’une syllabe par ce dernier, tu coulais…
    Pour preuve. Visitant un jour de 1993, durant la cohabitation, un site historique à Bibracte, dans le Morvan, François Mitterrand aperçut de loin Florence Muracciole embrassant Jacques Toubon, qui était alors le ministre de la Culture de Jacques Chirac. Croisant le regard noir du président de la République, la journaliste comprit qu’elle devait s’attendre à une réprimande. Ce qui ne manqua pas de se produire : « Je savais que vous embrassiez beaucoup de monde, Florence, mais je ne savais pas que vous embrassiez la Terre entière », siffla-t-il entre ses dents, le poil hérissé, avant de tourner les talons.
    Telles des statues de plâtre, les femmes du « clan », comme celles étrangères à son premier cercle, qu’il conviait à sa table, se claquemuraient, quant à elles, dans un silence requis : Sois belle et tais-toi ! « Ne parlez pas à Danielle, elle se croit présidente », lança un jour au patron de l’institut Ipsos et monsieur sondages de l’Élysée à l’époque, Jean-Marc Lech, François Mitterrand, qui ne supportait pas qu’une femme puisse s’aventurer sur le terrain de la politique. Et si l’une d’elles franchissait ce Rubicond, ce dernier avait pour habitude de lever alors les yeux au ciel, en signe d’exaspération.
    Le repas achevé, François Mitterrand quittait la table et gagnait sa bergerie, où il entamait une

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