Les Amazones de la République
ponctua celle dont le récit, tout à fait authentique, aurait pu être signé, sans conteste aucun, de Michel Audiard.
Chapitre 14
Marine
Si lâhistoire est méconnue, câest parce que lâintéressée ne lâavait jamais évoquée, jusquâà ce jourâ¦
Lorsquâelle me reçut, à ma demande, attablée au Café de Flore, me surprit dâemblée sa faconde : une conteuse à la sensibilité à fleur de mots, ciselant le plus étonnant des récits. Jâavais devant moi une journaliste célèbre qui racontait, sans badiner avec sa mémoire, cinq années, pour ainsi dire clandestines, passées dans lâintimité de François Mitterrand.
Excepté un petit cercle, composé de Danielle Mitterrand et de quelques très rares intimes de lâancien chef de lâÃtat, pas un pékin, en effet, nâavait aperçu, une seule fois, à lâÃlysée ou ailleurs dans Paris, à son côté, la frêle et jolie silhouette blonde de Marine Jacquemin. Sâils étaient dotés de la parole, on aurait posé immédiatement la question aux pigeons de lâÃlysée : « Lâavez-vous vu franchir une seule fois les grilles du Château ? » Et ils auraient juré, la patte sur le cÅur, nâavoir jamais aperçu la crinière de celle qui fut pourtant lâune des toutes dernières confidentes du président défunt.
Là où beaucoup ont érigé des monuments de mensonge, en sâappropriant des pseudo-confessions de François Mitterrand, cette ancienne journaliste et grand reporter (de guerre), à TF1, conserva des années durant, au tréfonds de sa mémoire, comme un grand cru vieilli en fût de chêne, des monceaux dâanecdotes, dont elle ne fit jamais partager le nectar. Et encore moins le commerce. Ce qui est à saluer.
Câest seulement au hasard dâune rencontre, presque fortuite, quâelle accepta de se confier, ce matin de décembre 2012â¦
Lâépoque, dâabord. Ces cinq années, où Marine Jacquemin mit ses pas dans ceux de François Mitterrand, correspondent à lâexil intérieur dâun dirigeant politique que la maladie emportait à grandes enjambées. Entamée en 1992, cette liaison â qui nâen fut pas une, si lâon en croit son récit, au sens strict du terme â, sâacheva avec la mort de celui qui lui entrouvrit les portes de son musée personnel. Embarqué dans un grand désordre de confessions et de souvenirs mêlés, François Mitterrand lâemmena ainsi jusquâà lâestuaire dâune vie qui sâachevait.
Et parce que câétait elle â et uniquement elle â, ce dernier fit cheminer lâesquif de ses souvenirs, dont certains parmi les plus enfouis, vers celle qui sâamarra à ses récits. Avec dévotion, affection et délectation.
Cette relation, faite de tendresse et de profonde amitié, restera pour cette journaliste lâun des grands épisodes de sa vie. Il y eut le temps des longues conversations, en tête à tête ou au téléphone. Il y eut, également, le temps des promenades chez les bouquinistes, des déjeuners dans Paris et des pèlerinages que François Mitterrand sâétait inventés au fil des décennies et quâil avait institués.
Mais il y eut aussi le temps de la douleur et des souffrances. Quand la maladie prit ses quartiers, dâété comme dâhiver, sâinstallant à demeure chez le vieil homme, sans espoir aucun quâelle lui rende un jour les clés.
Tout a démarré au moment de la première guerre du Golfe, quand Marine Jacquemin bourlinguait pour TF1 à travers le monde. Et notamment sur le front de cette guerre médiatique, dont les journaux télévisés regorgeaient. Câétait lâépoque où « la Une » alignait une phalange de reporters en jupons, tchador ou treillis â selon les destinations et conflits â, dont la chaîne sâenorgueillissait. Parmi elles, Catherine Gentil, Patricia Allemonière, Nahida Nakad ou encore⦠Marine Jacquemin : celle-là même dont une gent masculine, prise de priapisme à chacune de ses apparitions, sâétait furieusement entichée.
Et le mot est faible. Patrick Poivre
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