Les Amazones de la République
manie chez celui que suivait un cortège de gastéropodes psalmodiant dans ses pas.
Tout le monde sâétait retrouvé la veille au soir à lâhôtel de Grigny, où Roger Hanin, Christine Gouze-Rénal, Jack Lang et quelques intimes du président avaient passé la nuit. Logeaient également dans cet hôtel quelques veuves dâanciens compagnons de route de François Mitterrand, telle lâépouse de Georges Dayan ou celle de Noël Berrier.
On ne résiste à lâanecdote : gravement malade, cet ancien sénateur socialiste de la Nièvre vécut ses derniers jours sur un lit de lâhôpital militaire du Val-de-Grâce. Or, François Mitterrand, qui tenait à être présent quand celui-ci rendrait son dernier souffle, se précipita un soir à son chevet, les médecins ayant requis sa présence de toute urgence. Calme affecté, visage dévasté, le président était pâle : son vieux compagnon sâen allait à pas comptés et François Mitterrand, qui sâétait agenouillé à son chevet, le regardait sâéteindre avec un regard brillant, serti de deux grands yeux gourmands. Oui, gourmands. Lâépouse du vieil homme qui se mourait entendit ainsi Mitterrand murmurer à lâoreille de celui qui parlait déjà aux dieux : « Quelle chance vous avez, mon ami, car vous allez enfin savoir ! » Lâintéressé, qui lâchait prise, eût préféré, peut-être, une autre épitaphe.
Parvenus au sommet de la roche de Solutré, Georges Fillioud et Danièle Evenou tombèrent nez à nez avec François Mitterrand quâentourait une marée dévote. « Ah, Georges, vous voilà enfin ! » Tout en serrant la main de ce fidèle dâentre les fidèles, il jeta un regard en plongée sur la jeune femme qui lâaccompagnait. Georges Fillioud fit les présentations. Et chacun put observer cette scène : François Mitterrand passer au scanner, expertiser dâun Åil expert Danièle Evenou, la déshabillant, par étapes. De la tête aux chevilles. « Câétait indéfinissable, se souvient la comédienne, son regard allait de lâun à lâautre. Il me dévisageait et se tournait vers Georges avec un air complice qui semblait dire : âToi, mon coquin, tu vas tâamuser, crois-moi !â »
Danièle Evenou se rappelle avoir eu face à elle, ce jour-là , bien plus quâune icône, quâun pape du socialisme français ou que la double incarnation de Moïse et de Jaurès réunis : « Tout simplement, un vrai mec ! »
Quant à Mitterrand, il découvrit un personnage épique et romanesque qui le ravit⦠Dotée dâun franc-parler décapant, capable de toutes les extravagances, cette boule dâénergie, dâhumour et dâespièglerie quâétait Danièle Evenou se surprit un jour à plier, délicatement, sa petite culotte, de couleur blanche, quâelle glissa dans la pochette de la veste de costume de Georges Fillioud. Lequel se rendit, ainsi endimanché, à lâÃlysée, pour le traditionnel Conseil des ministres. Croisant François Mitterrand, Georges Fillioud intercepta son regard amusé, « Jâai lâimpression, mon cher Georges, quâelle a beaucoup dâimaginationâ¦Â », lui glissa-t-il à lâoreille.
Que nâavait-il dit ? Danièle Evenou, qui vécut une grande histoire dâamour avec cet ancien ministre, déposa de la même manière, et en bonne vue, un même sous-vêtement en dentelle sur la dépouille de son défunt mari, avant que celui-ci ne soit incinéré, en décembre 2011 !
Personne ne croirait la suite, si ce nâétait lâintéressée qui lâavait elle-même raconté à lâauteur, dâun ton à la fois frivole et grave. Conformément aux vÅux du défunt, elle alla disperser ses cendres dans sa Drôme natale. Et, pour cela, fit le trajet de Paris à Roman en voiture, avec, calée entre ses jambes pour quâelle ne se brise pas en route, lâurne funéraire contenant les restes de son aimé, dont une pincée fut conservée par elle dans une salière ! « Ainsi, calé entre mes cuisses, Georges était à sa place »,
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