Les Amazones de la République
dâArvor, qui rêvait de lâinscrire à son tableau de chasse, fit ainsi longuement son siège : grattant et jappant à sa porte, le « serial lover » du Paf finit par croupir dans les douves dâune forteresse imprenable, derrière le pont-levis duquel « Marine » se claquemura, exterminant ses espoirs.
François Mitterrand, qui lui trouvait également une classe folle, lâavait très tôt repérée. Au-delà des vallonnements de sa silhouette, quâil aurait volontiers parcourus, lâancien locataire de lâÃlysée ne se lassait pas de fouiller dans le brasier de son regard irisant, dont il ne pouvait se détacher, à lâheure du journal de 20 heures.
Or Danièle Burguburu, alors secrétaire générale du conseil de la magistrature â dont nous avons déjà évoqué le nom â, savait que le chef de lâÃtat avait un faible tout particulier pour celle qui sillonnait le monde avec un aplomb et un courage qui le stupéfiaient.
Cette proche du chef de lâÃtat, qui habitait à lâépoque dans un appartement situé juste en face du domicile de François Mitterrand, rue de Bièvre, contacta un jour la journaliste, à qui elle lança, dâun ton qui se voulait comminatoire : « Le président veut te voir. » Avant dâajouter : « Il aime ce que tu fais et il voudrait que tu lui en dises un peu plus sur les régimes et les pays que tu sillonnes. » Fine mouche, Marine Jacquemin, qui ne flottait pas sur un tapis dâinnocence, imagina derrière cette proposition, grossièrement ficelée, une collection dâestampes japonaises, dont François Mitterrand voulait lui faire profiterâ¦
Si bien quâelle ne donna pas suite à lâinvitation ! « Dites-lui que je lâattends », insista pourtant le locataire de lâÃlysée, qui souhaitait à tout prix approcher celle qui avait réussi à faire du chef de lâÃtat un téléspectateur assidu dâune chaîne quâil abhorrait, TF1 ! Essentiellement en raison de la présence à lâantenne dâun PPDA, dont il détestait à la fois le ton et le style, convaincu quâils étaient chez lui lâexpression dâun mépris affiché à son égard. Ce qui nâétait pas tout à fait faux.
La réticence de Marine Jacquemin tenait également à ses origines : issue dâune famille gaulliste, farouchement antisocialiste, elle avait été élevée dans le culte du « Général ». La gauche ? La Terre promise dâun peuple de bigots qui nâavait à la bouche que lâégalité, les 35 heures et des cantiques communistes psalmodiés entre la Bastille et la Nation, pestait-on le soir, à la table de papa et maman Jacquemin ! Et câest aussi pour cette raison que la jeune femme, dâune indépendance farouche et dâune franchise de ton décapante, refusa durant plusieurs semaines de répondre à ce qui sâapparentait, à ses yeux, à une convocation.
Jusquâau jour où, nâen pouvant plus de lâimpatience de celui qui pointait vers elle des yeux noirs de chien battu, Danièle Burguburu invita à dîner Marine Jacquemin. Quand cette dernière sonna au domicile de celle qui deviendra son amie, quelle ne fut sa surprise de voir François Mitterrand, en personne, ouvrir la porte.
« Enfin, vous voilà  ! », lui lança-t-il, lâinvitant à le suivre dans le salon. Et câest au coin dâune cheminée, où crépitait un feu de bois, que sâengagea une longue conversation entre la journaliste et le président. « Mitterrand semblait gourmand de tout ce que je lui racontais. Quâil sâagisse de mes périples à travers le monde ou de mes reportages ramenés des confins de lâAfghanistan ou de lâOuzbékistan : des contrées dont François Mitterrand feignait de découvrir jusquâà lâexistence. » Tel une tête couronnée dâEspagne à qui Christophe Colomb, revenu dâun lointain périple, aurait dessiné pour la première fois une mappemonde, le premier des Français semblait redécouvrir le globe à travers les récits de voyages dâun reporter au long
Weitere Kostenlose Bücher