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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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autant dire jamais – elle ne l’avait appelé par son
petit nom. Et quelle inflexion, douce comme une caresse, elle avait
mise dans ce mot ! C’était tout son cœur qu’elle avait mis là,
la pauvre petite Juana.
    Vaguement, un inappréciable instant, il eut l’intuition que tous
deux ils faisaient fausse route. Un mot, un seul, dit en ce moment,
pouvait dissiper le malentendu qui les séparait. Il eut peur de se
tromper, il eut peur de la froisser, il eut peur surtout de
paraître abuser de son désarroi et de ce que les événements lui
donnaient une certaine importance pour lui manquer de respect. Il
se raidit donc et surmonta encore une fois cette dernière
tentation.
    Elle, cependant, le dévisageait de son œil limpide, et toute son
attitude était un cantique d’amour. Il ne vit rien. Il ne comprit
rien. Comme il avait déjà fait, il s’inclina devant elle et dit en
insistant sur les mots :
    – Au revoir, Juana !
    Et comme il ébauchait un mouvement de retraite :
    – Tu ne m’embrasses pas avant de partir ?
    Le cri lui avait échappé. Ç’avait été plus fort qu’elle. Et elle
lui tendait les mains en disant ces mots.
    Cette fois-ci, il n’y avait plus à douter ni à reculer.
    Le Chico se courba lentement, effleura le bout des doigts
qu’elle lui tendait et s’enfuit précipitamment.
    Un long moment elle resta debout, regardant fixement la porte
par où il venait de sortir. Et elle songeait :
    « Il m’a à peine effleuré du bout des lèvres. Autrefois il
se fût prosterné, eût couvert mes pieds, le bas de ma basquine et
mes mains de baisers fous. Aujourd’hui, il s’est incliné comme un
galant qui sait les usages fleuris. Il ne m’aime pas… il ne
m’aimera jamais, alors. »
    Elle se laissa tomber dans son fauteuil, mit sa tête dans ses
deux mains et se mit à pleurer doucement, longuement, secouée de
petits sanglots convulsifs, comme un tout petit à qui on vient de
faire une grosse peine.

Chapitre 14 FAUSTA
    Pardaillan s’attendait à être jeté dans quelque cul de basse
fosse. Il se trompait.
    La chambre dans laquelle le conduisaient quatre moines robustes,
chargés de sa surveillance, était claire, propre, spacieuse,
confortablement meublée d’un bon lit, d’un vaste fauteuil, d’un
coffre à habits, d’une table, et munie de tous les objets
nécessaires à une toilette complète.
    Sans les épais barreaux croisés qui garnissaient la fenêtre,
sans les doubles verrous extérieurs qui fermaient la porte massive,
avec son judas très large percé au milieu, il eût pu se croire
encore dans sa chambre de l’hôtellerie de
La Tour.
    Les moines-geôliers l’avaient débarrassé de ses liens et
s’étaient retirés en annonçant que, sous peu, le souper lui serait
servi.
    Naturellement, le premier soin de Pardaillan avait été de se
rendre compte de la disposition des lieux, et il s’était vite
persuadé de l’inutilité d’une tentative de fuite par la porte ou la
croisée. Alors, comme il était couvert de sang et de poussière, il
avait renvoyé à plus tard de rechercher les moyens de se tirer de
là et s’était empressé de procéder à un nettoyage dont il avait
grand besoin. Cela lui permit d’ailleurs de constater avec
satisfaction qu’il n’avait que des écorchures insignifiantes.
    Le souper qui lui fut servi était aussi plantureux que délicat
et des vins des meilleurs crus de France et d’Espagne y figurèrent
avec une profusion royale.
    En fin gourmet qu’il était il y fit honneur avec ce robuste
appétit qui ne lui faisait jamais défaut, même dans les passes les
plus critiques. Mais tout en vidant les plats, tout en entonnant
fortes rasades, avec une conscience où il entrait certes plus de
prévoyant calcul que d’appétit réel, il réfléchissait
profondément.
    Tout d’abord, il remarqua que sur cette table somptueusement
dressée, les mets, servis dans des plats d’argent massif, étaient
préalablement découpés, et il n’avait à sa disposition, pour les
porter à sa bouche, qu’une petite fourche en bois mince et
flexible. Pas un couteau, pas une fourchette, rien qui pût, à la
rigueur, devenir une arme.
    Cette précaution extrême, les soins dont on paraissait vouloir
l’entourer, la douceur exceptionnelle avec laquelle on le traitait,
lui paraissaient étrangement suspects. Il sentait une
indéfinissable inquiétude l’envahir sournoisement.
    Tout de suite après ce succulent souper il se sentit la

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