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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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percer une pointe d’impatience dans la
voix.
    – Arrête de
te plaindre, intervint sa mère. Le beau temps achève. Dans deux semaines, on va
retourner dans la cuisine d’hiver parce qu’on va geler.
    Durant
quelques minutes, les trois femmes n’échangèrent pas un mot.
    – Jeannine va
venir me remplacer, décida la mère de famille en se levant. À dix ans, elle
est capable de faire sa part. Vous aurez juste à la surveiller pour qu’elle épluche
pas trop épais. Je vais aller vérifier si son linge pour l’école et celui de
Lionel sont corrects.
    – Ils
sont chanceux, eux autres, de retourner à l’école, fit Aline sur un ton nostalgique.
    Claire
lança à sa cadette un regard excédé. On n’allait pas recommencer encore la même
discussion. Depuis près d’un mois, l’adolescente de quatorze ans essayait de
convaincre ses parents de la laisser poursuivre ses études au couvent des sœurs
de l’Assomption, au village. Quand Thérèse Tremblay en avait glissé un mot à
son mari, ce dernier avait opposé un non catégorique.
    – Il
en est pas question, avait-il tranché. Elle a pas besoin d’en savoir plus pour
tenir une maison et élever des enfants. Qu’elle fasse comme Claire ! Qu’elle
apprenne à cuisiner et à coudre avec toi.
    Elle
voudrait devenir maîtresse d’école, avait tenté d’argumenter Thérèse.
    Des maîtresses d’école,
il y en a plus qu’on en a besoin dans toutes les paroisses autour. On va
dépenser de l’argent pour rien. Elle va faire comme la plupart des filles qui
veulent devenir maîtresses d’école. Quand elle va être prête à faire l’école, elle
va décider de se marier et elle pourra plus trouver d’ouvrage nulle part.
    – J’ai
déjà Claire pour m’aider, avait encore plaidé Thérèse.
    – Ben,
t’auras Claire et Aline, avait décidé Eugène avant de se replonger dans la lecture
d e La Presse.
    Thérèse
jeta un regard désolé à sa fille. Elle comprenait son désir de s’instruire et d’échapper,
ne serait-ce que quelques années, à la vie de femme de cultivateur et de mère
de famille.
    – En
tout cas, si t’as toujours l’intention d’aller au couvent dit-elle à l’adolescente,
il va falloir que tu décides ton père ces jours-ci. Il me faut du temps pour te
faire la robe bleue que les sœurs demandent aux élèves de porter. Je couds pas
aussi vite que la voisine, moi, ajouta-t-elle en faisant allusion à l’habileté
et à la rapidité de couturière d’Yvette Veilleux.
    Aline
ne dit rien et continua à éplucher les pommes en compagnie de ses sœurs. Soudain,
son visage s’anima. Elle venait d’avoir une idée. Elle attendit de se retrouver
seule en compagnie de sa sœur Claire pour lui en faire part.
    – Penses-tu
que p’ pa changerait d’idée si je lui disais qu’il
y a deux ans, le bonhomme Veilleux, à côté, a jamais voulu, lui non plus, qu’Anne
aille au couvent pour devenir maîtresse d’école ?
    – Anne
a jamais voulu devenir maîtresse d’école, lui fit remarquer sa sœur aînée après
un bref moment de réflexion. Si je me rappelle bien ce que sa mère nous a déjà
dit, elle avait bien trop de misère à l’école pour vouloir faire ça.
    – Je le sais
bien, répondit Aline, mais p’ pa le
sait pas, lui. C’est ma dernière chance de le décider à me laisser y aller. Si
j’essaye rien, je vais passer l’hiver dans la maison et j’aurai plus jamais la
chance d’aller au couvent.
    – Tu
prends surtout une chance de le braquer en lui parlant du voisin, la prévint
Claire.
    – Je
vais essayer quand même, dit Aline sur un ton résolu.
    Lorsque
l’heure du dîner arriva, l’adolescente prit place à table entre Claire et
Clément. Elle mangeait du bout des lèvres tant elle était nerveuse à l’idée de
la dernière démarche qu’elle s’apprêtait à faire auprès de son père. Ce dernier
était un homme placide, mais elle le savait aussi têtu et peu enclin à changer
d’idée.
    Après
le repas, un peu tremblante, elle le suivit sur le balcon où il avait l’habitude
de s’étendre pour une courte sieste avant de retourner travailler. Quand les
garçons firent mine de sortir à la suite de leur père, leur mère les retint en
leur faisant signe d’attendre un peu.
    Sur
le balcon, Eugène Tremblay s’étonna de voir l’adolescente le suivre.
    – Tu vas pas
aider ta mère à laver la vaisselle, toi ?
    – Je
vais y aller, p’ pa, mais je voulais vous parler

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