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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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pour qu’il se
montre fort devant les tentations.
    Finalement,
le curé demanda à son cousin de ne pas mentionner autour de lui qu’il avait
acquitté sa dîme en nature.
    – Les
marguilliers aiment mieux que la dîme soit payée en argent, tu comprends ?
Ils m’ont demandé de faire le moins d’exceptions possible.
    – Mais ils
doivent ben savoir que l’argent est pas mal rare, protesta le cultivateur. Les
cinq cordes de bois que j’ai livrées au presbytère cet été valent ben le montant
de la dîme, non ?
    Le
prêtre hocha la tête. Il était bien placé pour savoir à quel point les fermiers
de sa paroisse avaient du mal à survivre au lendemain de la crise économique
qui avait secoué tout le pays. Les prix des produits commençaient à peine à se
stabiliser.
    – Je le sais
bien, Ernest. Je te demande juste de pas trop en parler.
    – C’est
correct.
    Après
avoir discuté encore une dizaine de minutes, le curé Lussier offrit de bénir
les membres de la famille assis autour de lui dans le salon. Tout le monde se
mit à genoux et le prêtre donna sa bénédiction avant que Céline aille chercher
son manteau et son chapeau qu’elle avait déposés sur le lit de la chambre de
ses parents. Pendant ce temps, Joseph Groleau était sorti de la maison et il
avait réintégré sa place de cocher.
    Dès le départ du
curé, Ernest s’empressa de retourner dans la cuisine pour allumer sa pipe, geste
qu’il n’avait pas osé poser devant le prêtre. Il était suivi par une Céline
furieuse qui grommelait d’une grosse voix en tentant d’imiter le curé Lussier :
« Dis-moi donc, ma belle fille, aurais-tu passé au feu ? »
    – Céline !
s’emporta sa mère, rouge de colère. Que je te reprenne à te moquer de monsieur
le curé !
    – Mais m’man,
il avait pas d’affaire à rire de moi avec mes cheveux. Ça le regarde pas
pantoute ! s’exclama la jeune fille, au bord des larmes.
    – Reviens-en !
Monsieur le curé a pas ri de toi. Il a juste trouvé que t’avais une drôle de
coupe de cheveux. On te l’avait dit, mais t’as voulu faire à tête. Dans ce cas-là,
endure, ma fille, et viens surtout pas te plaindre qu’on te fait des remarques.
    Ernest
n’avait rien dit durant la scène. Il s’était contenté de s’emparer de la
bouteille de gin qu’il avait déposée sur la table de cuisine devant le bedeau
avant de rejoindre les siens au salon.
    – Torrieu !
Il a toute une descente, le père Groleau ! s’écria-t-il en levant la
bouteille à la clarté diffusée par la fenêtre pour mieux voir le niveau de
liquide restant dans la bouteille.
    – Pourquoi tu
dis ça ? lui demanda Yvette en se tournant vers lui.
    – Ben. Il a
presque bu la moitié de ma bouteille de gin, le temps de la visite d’Antoine.
    – T’aurais
pas dû faire une affaire pareille, le blâma sa femme. Des plans pour qu’il soit
malade. Depuis le temps, tu devrais bien savoir que Joseph Groleau haït pas ça
boire un coup.
    – Je voulais
juste me montrer poli et lui donner la chance de se réchauffer un peu, expliqua
Ernest. Avoir su, tu peux être certaine que je lui aurais versé juste un petit
verre et que j’aurais caché ma bouteille.
    En
montant dans la voiture, le curé dit à son cocher :
    – Père
Groleau, on va passer par-dessus les Tremblay et les Hamel, et aller directement
chez Germain Fournier. Il est tout seul et ça va aller plus vite avec lui. Après,
je verrai si j’ai le temps de revenir chez Eugène Tremblay.
    – La Thérèse
va en faire une ma… maladie de vous voir lui passer au… au… nez, balbutia le
vieux bedeau en mettant son attelage en marche.
    Le
curé n’attacha aucune importance à l’élocution un peu difficile de son cocher, la
mettant sur le compte du froid.
    Le boghei passa
devant la ferme des Tremblay et celle de Georges Hamel avant de s’arrêter près
du balcon de Germain Fournier. À son passage, Antoine Lussier vit des rideaux
se soulever dans chacune des deux maisons et il eut du mal à réprimer un
sourire à la pensée de la déconvenue des maîtresses de maison. Elles devaient
sûrement se demander ce qui lui prenait de les ignorer.
    Lorsque le prêtre
frappa à la porte avant de la petite maison grise des Fournier, le jeune homme,
mal rasé, vint lui ouvrir et le fit pénétrer dans le salon. À voir l’état
des lieux, Antoine Lussier devina que la pièce n’avait pas été époussetée
depuis le décès de la mère de son hôte.

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