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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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verdict de son cousin. Cependant, le lendemain, après la
grand-messe, il avait tout de même pris un malin plaisir à déclarer devant
quelques hommes que son cousin lui avait clairement laissé entendre qu’il avait
toutes les chances d’être élu marguillier le lendemain soir. Il était certain
que la nouvelle irait jusqu’aux oreilles de son ennemi et le ferait rager, du
moins durant quelques heures.
    Eugène Tremblay se
garda bien de s’arrêter à la forge d’Adélard Crevier ce matin-là. Les fers de
son cheval étaient en très bon état et n’avaient nullement besoin d’être
examinés par le maréchal-ferrant. Tant mieux. Il n’hésitait pas à faire appel
aux services de Crevier lorsque c’était nécessaire, mais ordinairement, il l’évitait
parce que c’était un conservateur à tout crin très proche de Veilleux. De plus,
comme l’homme visait ouvertement la mairie de Saint-Jacques-de-la-Rive et ne se
privait pas d’attaquer son beau-frère Wilfrid à la moindre occasion, il ne l’aimait
pas beaucoup.
    Le cultivateur
préféra plutôt se rendre au magasin général où il pourrait acheter quelques
livres de clous qui finiraient toujours par servir. Aussi tôt dans la matinée, il
ne trouva dans le magasin qu’Hélèna Pouliot en train de suspendre divers
articles à des crochets fixés derrière son comptoir.
    – Tiens, Eugène !
s’exclama la célibataire osseuse en penchant la tête pour mieux regarder le
nouvel arrivant par-dessus ses petites lunettes à monture d’acier. T’es de
bonne heure à matin. Est-ce que c’est ta femme qui t’a jeté dehors parce que t’étais
plus endurable ?
    – Pantoute, Hélèna,
répondit l’homme avec un sourire forcé. J’ai juste besoin de cinq livres de
clous de deux pouces.
    Eugène
connaissait assez la réputation de commère de cette femme d’une cinquantaine d’années
pour savoir qu’il allait apprendre toutes les nouvelles de la paroisse en
quelques minutes… Il ne s’était pas trompé.
    – T’arrives
juste au moment où Honoré Beaudoin vient de partir, dit-elle en se dirigeant
vers une boîte remplie de clous. Il paraît que l’élection du marguillier l’a
fait coucher pas mal tard, hier soir.
    – Ah !
    – Tu savais
que c’était hier soir que ça devait se faire ?
    – Il me
semble ben que c’ est
ce que monsieur le curé a
annoncé en chaire avant-hier, dit Eugène en s’efforçant de prendre un ton
détaché.
    – Honoré
Beaudoin a dit que ça avait fini trop tard pour qu’il ait le temps d’aller avertir
celui qui a été élu à la place de Ludger Parenteau.
    Eugène Tremblay ne
trouva rien à dire et, le cœur battant, il attendit la nouvelle.
    – Tu
devineras jamais qui a été élu, poursuivit la célibataire sur un ton narquois, en
le dévisageant avec soin.
    – Qui a été
nommé ? finit-il par demander, la gorge sèche tant il était énervé.
    – Edmond
Drolet.
    – Edmond
Drolet ! répéta Eugène, abasourdi. Mais tu trouves pas qu’il est pas mal
jeune pour être marguillier ? s’empressa-t-il d’ajouter pour cacher sa
déconvenue.
    – C’est vrai
qu’il est juste au commencement de la trentaine, reconnut Hélèna en déposant
une troisième poignée de clous dans un gros sac brun. Mais il faut pas oublier
qu’il est père de famille et même s’il est revenu estropié de la guerre, c’est
un homme qui arrête pas de travailler pour faire vivre sa famille. Moi, je le
trouve ben à ses affaires, ce jeune-là.
    – C’est vrai
qu’il a ben du mérite, reconnut Eugène. Je suis sûr qu’il va faire une bonne
job au conseil.
    Sur ces mots, il paya Hélèna et quitta le magasin général. Sur le
chemin du retour, le cultivateur fut tout surpris d’éprouver aussi peu d’amertume
à la pensée de ne pas avoir été élu. À peine était-il tenaillé par un mince regret. Il salua Germain Fournier
au passage, au moment où le jeune homme finissait de charger les bidons de lait
que Bruno Pierri avait déposés sur sa plate-forme, en bordure du chemin. Quelques
instants plus tard, il arrêta son boghei près de la remise, détela son cheval
et le mena à l’écurie avant de rentrer dans la maison.
    –  Seigneur !
s’exclama Thérèse en le voyant entrer, on peut pas dire que t’as traîné en
chemin. Adélard Crevier a fait ça vite.
    – J’ai pas eu
à aller à la forge, en fin de compte, admit son mari, en enlevant son manteau. Le
fer du cheval était correct.

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