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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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vie rurale
se réduit, en mettant les choses au mieux, à un barbecue à la campagne sur un
domaine acquis grâce à des crimes commis en milieu urbain.

CHAPITRE
8.
LES BANDITS ET LA RÉVOLUTION
    « 
Flagellum Dei et
commissarius missus a Deo contra usurarios et detinentes pecunias otiosas
 »
(Fléau de Dieu, envoyé par Dieu pour lutter contre les usuriers et les
possesseurs de richesses improductives).
    Autoportrait
de Marco Sciarra, chef de brigands napolitain dans les années 1590 [112] .
    À ce stade, le bandit doit choisir entre l’état de criminel
et l’état de révolutionnaire. Comme nous l’avons vu, le banditisme social
constitue un défi de principe pour l’ordre établi de la société de classes et
pour son fonctionnement politique, quels que soient les arrangements qu’il
trouve en pratique avec les deux. Dans la mesure où il s’agit d’un phénomène de
contestation sociale, on peut y voir le précurseur ou l’incubateur potentiel de
la révolte.
    En ce sens, il diffère radicalement du monde criminel des
bas-fonds, auquel nous avons déjà eu l’occasion de l’opposer. Les bas-fonds
constituent une antisociété, dont l’existence passe par le renversement des
valeurs du monde « respectable », qu’elle qualifie de « pourri »,
mais dont elle est un parasite. Le monde révolutionnaire est lui aussi un monde
« respectable », sauf peut-être à certaines périodes particulièrement
apocalyptiques où même les criminels antisociaux peuvent avoir un accès de
patriotisme ou d’exaltation révolutionnaire. Aussi les révolutions ne
représentent-elles pas grand-chose pour le monde des bas-fonds, sinon des
moments privilégiés en ce qui concerne l’action criminelle. Rien ne montre que
la pègre parisienne, considérable à l’époque, ait fourni des militants ou des
sympathisants aux révolutions françaises des XVIII e et XIX e siècles ; certes les prostituées, en
1871, étaient d’ardentes communardes, mais, en tant que classe, c’étaient moins
des criminelles que des victimes de l’exploitation. Les bandes de criminels qui
se multiplièrent dans les campagnes française et rhénane dans les années 1790 n’étaient
pas des phénomènes révolutionnaires, mais les symptômes d’un désordre social. Les
bas-fonds n’entrent dans l’histoire des révolutions que dans la mesure où les « classes
dangereuses » sont mêlées aux « classes laborieuses [113]  », en
général dans certains quartiers des villes, et parce que les rebelles et les
insurgés sont souvent traités en criminels et en hors-la-loi par les autorités.
Mais, en principe, la distinction est claire.
    Les bandits, en revanche, partagent les valeurs et les
aspirations du monde paysan et, en tant que hors-la-loi et rebelles, sont
généralement sensibles à ses poussées révolutionnaires. En temps normal, ils
méprisent, en hommes qui ont déjà acquis leur liberté, l’inertie et la
passivité des masses, mais, en période révolutionnaire, cette passivité
disparaît. De nombreux paysans
deviennent
des bandits
. Lors des soulèvements en Ukraine aux XVI e et XVII e siècles, ils se
baptisaient cosaques. Dans l’Italie, en 1860-1861, les unités de guérilleros paysans
se constituaient en prenant les bandes de brigands comme noyau et comme modèle.
Les chefs locaux se voyaient devenir un pôle d’attraction pour une foule de
soldats dispersés de l’armée des Bourbons, de déserteurs, d’hommes qui avaient
fui le service militaire, de prisonniers échappés, de gens qui craignaient d’être
persécutés pour leur participation à la protestation sociale lors de la
libération garibaldienne et de paysans et de montagnards assoiffés de liberté, de
vengeance ou de pillage, parfois des trois réunis. Tout comme les bandes de
hors-la-loi traditionnelles, ces unités avaient tendance à se former dans le
voisinage des agglomérations où elles trouvaient des recrues, puis à établir
une base dans les montagnes ou les forêts avoisinantes, et à entamer leurs
opérations par des activités difficiles à distinguer de celles de bandits
ordinaires. Seul le cadre social était différent. Ce n’était plus une minorité,
mais la majorité des insoumis qui prenait maintenant les armes. En somme, comme
le dit un historien hollandais qui a étudié l’Indonésie, il s’agit d’époques où
« la bande de brigands s’associe à d’autres groupes qui lui servent de
façade, tandis que les

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